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ses plus riches merveilles. La duchesse passe pour avoir eu de la beauté, et possède encore, comme presque toutes les Portugaises, des yeux étincelans dont une expression singulière rehausse encore l’éclat. Le fils aîné du duc de Palmella, le marquis de Fayal, était en voyage. Il a épousé, comme on sait, la plus riche héritière du Portugal, doña Maria Luiza de Sampayo, fille du comte de Povoa, sur les millions duquel on raconte des choses fabuleuses. Elle a aujourd’hui dix-sept ans à peine, et son mariage date du 3 juillet 1836. Je ne reviendrai pas sur l’histoire de ce mariage entremêlée de scènes romanesques dignes du moyen-âge, les journaux de l’époque en ont assez parlé ; tout ce que je sais, c’est que, s’il y a eu violence, l’objet ravi ne doit guère en avoir souffert ; on trouverait difficilement une victime plus résignée que la jeune marquise. Le duc de Palmella donne d’excellens dîners. Sur un service de dessert d’une rare élégance était gravé l’écusson de sa famille avec cette devise : veritatem regibus ; et comme je remarquais la chose, le duc, avisant ma curiosité, ajouta à voix basse : et populo. »

La société de Lisbonne est ainsi passée en revue jusqu’aux membres du corps diplomatique et des chambres. On a souvent parlé des habitudes médiocrement civilisées du parlement américain et du sans-gêne de la tribune britannique ; mais, s’il faut en croire l’auteur de ce livre, rien n’égale la grossièreté des mœurs publiques en Portugal, et ce n’est que dans le vocabulaire des halles qu’on trouverait les termes dont on s’apostrophe. Se figure-t-on, par exemple, un membre de l’opposition disant à un ministre de la couronne que, sous son administration, tout n’est que simonie et concussion ! Sur quoi le ministre répond à son interlocuteur : « Quand tu étais aux affaires, tu volais bien autrement. — Non, répond un troisième, le véritable brigand, c’est toi. » En vain le président agite sa sonnette à tour de bras ; nul, dans l’assemblée, ne s’en inquiète. On s’agite, on pérore, on se démène sur les bancs, et, pendant ce temps, la galerie accompagne le sabbat de ses huées. Aux élections de 1842, un électeur élu[1] de l’Estramadure, contre l’attente de son parti, vota pour le ministère. Le lendemain, le Revolucao de Setembro, organe des septembristes, contenait le manifeste suivant : « Vu sa trahison et son manque de foi envers ses amis politiques, vu l’affront qu’il vient de faire au collège électoral de l’Estramadure, vu l’ignoble concours qu’il prête à la plus infame des administrations, le sieur Joao Antonio-Rodrigues de Miranda est dénoncé au mépris des honnêtes gens. »


Je l’ai dit, l’auteur de ce livre a pénétré dans les provinces. Il a vu de près et bien vu ce peuple original, frotté de constitution à la surface, et sous plus d’un rapport resté au fond le même qu’aux beaux jours de Vasco de Gama. A mesure que vous vous éloignez des métropoles, les modifications

  1. En Portugal, l’élection est double ; chacune des sept provinces nomme un certain nombre d’électeurs, lesquels nomment ensuite les députés pour la province.