Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/719

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
713
MADEMOISELLE DE LA SEIGLIÈRE.

acte de donation rédigé en termes touchans, et dans lequel le donateur, par un sentiment d’exquise délicatesse, s’humiliait devant le donataire.

— Monsieur le marquis, vous êtes chez vous, lui dit-il.

La harangue était courte ; le marquis la trouva bien tournée. Il mit dans sa poche l’acte qui le réintégrait dans la propriété de tous ses domaines, embrassa Stamply, lui prit le bras, et, suivi de sa fille qui marchait entre Mme de Vaubert et Raoul, il rentra dans son château, aussi jeune d’esprit qu’il en était sorti et sans plus de façons que s’il rentrait de la promenade.

Et maintenant, pour nous en tenir aux suppositions de Mme de Vaubert, si Napoléon Bonaparte, réduisant la grandeur de son rôle aux proportions mesquines d’une probité bourgeoise, eût consenti à n’être que l’homme d’affaires de la famille des Bourbons ; après avoir relevé, du bout de son épée, la couronne de France, si, au lieu de la poser sur son front, il l’eût placée sur la tête des descendans de saint Louis, il est à croire qu’à cette heure un chapitre de plus enrichirait le grand livre des royales ingratitudes. Nous ne prétendons outrager ni la royauté ni personne ; nous ne nous en prenons qu’à cette ingrate espèce qui s’appelle l’espèce humaine. Sans aller chercher nos exemples si haut, restons pour en juger sur les rives du Clain.


Jules Sandeau.


(La suite au prochain n°.)