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entraînante de l’exemple, la sainte propagande de l’économie, attirent à cette institution, dans la classe ouvrière, des individus jusque-là rebelles à l’ordre, et que les résultats de la bonne conduite de leurs camarades ont, pour ainsi dire, convertis. On voit donc que la caisse d’épargne atteint son but : constituer la richesse dans la classe prolétaire par les moyens qui la font acquérir et conserver.

Toutefois, nous devons le dire, pour que ce but fût complètement atteint, il faudrait que l’esprit de charité se montrât plus actif et plus large dans ses créations. Les caisses d’épargne sont jusqu’ici pour la classe ouvrière une exhortation à l’économie ; elles devraient être un encouragement. En Angleterre, sur la terre classique de l’égoïsme, l’état accorde une pension viagère de 20 livres sterling à tout travailleur sexagénaire qui, depuis l’âge de trente ans, aura déposé dans les caisses d’épargne une somme de 3 shellings par semaine. La classe qui possède a senti la nécessité d’attirer à l’économie par un secours, par un sacrifice, la classe qui ne possède pas. En France, on a laissé faire ; la caisse d’épargne s’est constituée elle-même ; les populations ouvrières, un instant indécises, ont cédé aux avances de l’institution, et sont venues entasser denier par denier une somme exorbitante. L’état a vu ce développement des forces économiques avec un œil favorable, mais il n’a rien fait, ou presque rien, pour le protéger. Nulle prime d’encouragement n’a été offerte à la prévoyance et aux autres vertus qu’elle suppose dans les classes laborieuses, l’abstinence, la probité, l’austère observation de tous les devoirs. L’intérêt servi par l’état est des plus restreints : 4 pour 100, sur lesquels l’administration prélève à bon droit un quart pour les frais de gestion et de bureaux ; reste donc 3 et 3/4 pour 1900 au déposant. C’est peu. On sera surtout frappé de l’exiguïté du bienfait, si l’on compare cet intérêt à celui des monts-de-piété ; dans un prêt hebdomadaire de 3 fr., renouvelé cinquante-deux fois par an, l’intérêt payé par l’emprunteur est calculé sur le taux de 173 pour 100, y compris les frais du commissionnaire. Restons dans les limites les plus modérées : n’est-il pas toujours affligeant de voir l’état emprunter d’une main à 4 pour 100 et prêter de l’autre, dans les cas ordinaires, à 13 pour 100 ? Nous ne nous dissimulons pas les charges qui pèsent déjà sur le trésor et la difficulté qu’il y aurait, dans la situation de nos finances, d’encourager par un don quelconque la bonne volonté des déposans à la caisse d’épargne ; mais s’il est vrai, comme l’avance M. B. Delessert, que pas un déposant aux caisses d’épargne n’a subi de condamnation devant les tribunaux, l’argent que l’état débourserait