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à abaisser le taux de l’intérêt payé par l’emprunteur, et peut-être, avec le temps, à le supprimer. Ceci n’est pas un rêve : déjà cette alliance existé dans une grande ville de l’est, déjà un établissement fondé sur ce principe a produit des résultats admirables. Les effets moraux de cette association ne seraient pas moins importans à recueillir : on établirait de la sorte un lien, lien sacré, entre l’économie et la misère. Aujourd’hui, l’une et l’autre sont séparées, divisées, isolées : deux femmes demeurent porte à porte sur le même escalier ; l’une, aisée, célibataire, amasse dans un chiffon caché sous le chevet de son lit, une somme qu’elle porte secrètement chaque semaine à la caisse d’épargne ; l’autre, pauvre mère de plusieurs enfans en bas age, engage secrètement aussi et furtivement au mont-de-piété la dernière paire de draps qui restait dans son armoire. Entre ces deux créatures humaines, ces deux sœurs selon la foi et selon la charte ; il n’existe aucune assurance mutuelle ; l’économie de l’une ne profite en rien à la misère de l’autre. Nous croyons que dans une société charitable il doit en être autrement. Loin d’entretenir par la rivalité des institutions cet antagonisme entre le prêt et l’emprunt, nous croyons qu’il faudrait au contraire les rapprocher, les marier, les unir, bonifier l’un par l’autre. Cette précieuse solidarité aurait pour effet de combattre l’égoïsme que les caisses d’épargne, isolées, fomentent dans le cœur des classes ouvrières ; ce serait aussi le moyen de réprimer les excès de l’économie, non moins à craindre pour la morale que ceux de la prodigalité.

M. Félix de Viville, directeur du mont-de-piété et de la caisse d’épargne de Metz, a réuni ces deux administrations et a obtenu un succès digne de ses efforts. 400,000 francs appartenant aux déposans sont employés en prêts sur nantissement à un intérêt de 7 ½ pour 100 ; 600,000 francs sont versés au trésor public, qui sert un intérêt de 4 pour 100 ; il en résulte donc un bénéfice de 3 1/2 pour 100 sur une partie des capitaux. Voilà des chiffres. On peut conclure de l’expérience faite par M. de Viville que la combinaison de la caisse d’épargne et du mont-de-piété présente des avantages certains. Nous n’admettons pas que ce qui se fait à Metz ne puisse se faire à Paris. Il nous semble, au contraire, que les résultats grandiront à mesure que le cercle des opérations s’élargira. Si les 83 millions de francs qui formaient, en décembre 1841, le solde des caisses d’épargne de Paris à la caisse des dépôts et consignations avaient été versés dans celle du mont-de-piété, ils auraient fécondé, depuis deux années, les régions inférieures de la société, dénuées aujourd’hui presque