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ame philosophique. Elle s’élève de la connaissance de soi-même à la connaissance de Dieu, se souvenant qu’elle est faite à son image, et qu’elle est comme un miroir où Dieu a réuni et concentré l’image de.toutes ses perfections. L’ame est une activité intelligente ; mais cette intelligence n’embrasse qu’un petit nombre d’objets et de rapports elle est sujette au doute et à l’erreur. Cette activité est limitée à une sphère restreinte, et dans cette étroite sphère, il faut qu’elle lutte et souvent qu’elle succombe. Dieu, au contraire, est une intelligence qui embrasse tous les objets et tous les rapports ; une activité qui remplit tous les espaces et tous les temps, et qui répand partout l’ordre, l’être, la vie. Ce Dieu, conçu comme un parfait modèle dont l’ame humaine est une copie, cette Ame infinie et universelle, c’est la troisième hypostase de la trinité alexandrine. C’est là Dieu, sans doute, mais ce n’est pas Dieu tout entier : ce n’est pas un Dieu qui puisse suffire à la pensée humaine et où la dialectique se puisse arrêter.

Ce Dieu, en effet, si élevé au-dessus de la nature et de l’humanité, participe encore de leurs misères. Il agit, il se développe, il se meut. Il a beau remplir tous les espaces et tous les temps, il tombe lui-même dans l’espace et dans le temps. Il connaît et il fait toutes choses ; mais il n’est pas le premier principe des choses, car il ne peut les connaître et les faire qu’à la condition d’emprunter à un principe plus élevé l’idée même et la substance des êtres qu’il réalise. Au-dessus d’une activité intelligente qui conçoit et produit dans l’immensité de l’espace et des temps les types éternels des choses, nous concevons l’Intelligence en soi qui contient dans les abîmes féconds de son unité ces types eux-mêmes. Cette pensée absolue, éternelle, simple, immobile, supérieure à l’espace et au temps, c’est Dieu encore, c’est la seconde hypostase de la Trinité alexandrine.

Il semble que la pensée ait ici atteint le plus haut terme de son développement. Quoi de plus parfait que de penser et d’agir, si ce n’est de posséder en soi la plénitude de la pensée et de la vie, la plénitude de l’être ? Mais la pensée humaine ne peut encore s’arrêter là. Une nécessité inhérente à ce qu’il y a de plus divin dans sa nature la presse et l’agite, et ne lui laissera de repos que quand elle aura atteint un point où le désir de la perfection suprême s’épuise dans la possession parfaite de son objet.

Dieu est la pensée absolue, l’être absolu. Or, qu’est-ce que la pensée ? quel en est le type ? C’est la pensée humaine, la pensée liée à la personnalité. Qu’est-ce que l’être ? L’être de cette fragile créature que nous sommes. Mais quoi ! l’être de Dieu sera-t-il comparable au nôtre ?