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vraie, et nous ne disons pas seulement une doctrine mieux appropriée au temps et aux circonstances ; nous disons encore, nous disons surtout une doctrine plus raisonnable. Le christianisme, il est vrai, n’a point paru d’abord parler aux hommes au nom de la raison. Saint Paul veut sauver le monde par la folie de la prédication. Il ne sait qu’une seule chose : Dieu crucifié ; il ne s’adresse point aux sages et aux philosophes, mais aux simples d’esprit. Le fougueux Tertullien s’écrie : Credo quia absurdum. De nos jours encore, on prétend prouver l’origine surnaturelle du christianisme en l’opposant à la raison. Étrange honneur qu’on veut faire à la religion la plus raisonnable et la plus digne de l’homme qui fut jamais ! Confusion singulière des formes variées que revêt tour à tour la raison avec son fonds toujours le même et qui ne passe pas ! Opposition insensée qu’on veut établir entre Dieu et les hommes ! Oui, sans doute, le christianisme a été le triomphe de la raison de Dieu sur celle des hommes, c’est-à-dire le triomphe de l’éternelle raison qui enfante tous les systèmes philosophiques et religieux, les détruit et les renouvelle sans cesse et survit à tous, sur un système de croyances et d’idées qui avait fourni sa carrière et n’avait plus rien à faire pour le progrès et le salut du genre humain.

Outre cette cause générale et dominante, nous en signalerons deux autres plus particulières qu’il importe à notre temps de bien connaître et de méditer. Les philosophes d’Alexandrie ont fait deux fautes capitales : la première, ç’a été de se rattacher étroitement à la religion du passé, et d’associer leur destinée avec celle du paganisme ; la seconde, d’avoir voulu être à la fois un système philosophique et une secte religieuse, une école et une église. C’est en grande partie par là qu’ils ont péri. L’histoire, ici, parle assez haut pour être entendue sans long commentaire, et nos conclusions pour le temps présent s’établiront comme d’elles-mêmes.

Quand on considère la situation des esprits et des ames aux premiers siècles de l’ère chrétienne, on demeure convaincu que dans cette dissolution philosophique, morale, religieuse, politique, où était le monde, au milieu de ce scepticisme et de cette indifférence universelle, sous la dure tyrannie que les Césars imposaient aux nations, et quand déjà se faisait entendre au loin le flot menaçant des barbares, le besoin le plus général et le plus pressant de ce monde épuisé, c’était qu’un esprit nouveau vînt relever la personnalité que tout semblait accabler, et qui succombait sous le poids de ses propres fautes et de ses propres misères. Il suffira de rappeler quelques faits pour peindre