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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 août 1844.


Les affaires du Maroc et de Taïti fixent en ce moment l’attention de l’Europe. Du côté du Maroc, les évènemens ont pris depuis peu de jours un caractère décisif. Le prince de Joinville a bombardé Tanger et Mogador. L’île de Mogador est occupée par nos troupes ; la ville, foudroyée et déserte, a été pillée par les Kabyles. Le dommage causé à l’empereur est immense. Pendant ce temps, le maréchal Bugeaud remportait la victoire d’Isly, qui rappelle les glorieux combats de l’armée d’Égypte.

La France applaudit au courage héroïque de ses marins et de ses soldats ; elle admire l’énergie, la bravoure et la sagacité de leurs chefs. Si ces coups n’avaient pas été frappés à propos, l’occasion eût pu échapper ; d’un jour à l’autre, des hésitations et des lenteurs eussent pu changer le sort de la guerre. Le prince de Joinville avait des instructions qui lui donnaient une certaine latitude ; il en a profité pour agir vigoureusement. Le maréchal Bugeaud était maître de ses mouvemens : son coup d’œil a saisi avec une admirable justesse le moment d’engager l’action. Des deux côtés, la force et l’intrépidité de l’ennemi ont rehaussé la gloire de nos armes. Nous pouvons être fiers quand nous voyons un de nos princes exécuter avec un petit nombre de vaisseaux des entreprises dans lesquelles de grands capitaines ont déployé autrefois des forces immenses, quand nous le voyons joindre aux talens d’un marin consommé l’esprit supérieur de l’homme politique qui sait juger la portée des évènemens ; lorsqu’enfin, le canon une fois tiré, nous le voyons s’exposer au feu comme le dernier matelot de son escadre. Les savantes dispositions du maréchal Bugeaud, ses dix mille hommes supportant le choc de toute la cavalerie marocaine et la culbutant de toutes parts après quelques heures de combat, sont aussi un de ces faits d’armes que nous pouvons inscrire avec fierté dans nos annales.