Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/839

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la nation, et on croirait néanmoins que la nation les aime. Le jour où le recouvrement des impôts sera arraché à des traitans avides, où les sommes dues au trésor ne seront plus pillées par les municipalités et les intendans, où les trésoriers ne spéculeront plus avec les fonds de l’état, où la contrebande ne tarira plus la source des revenus de la douane, où le budget ne sera plus une fiction, où les recettes d’une année ne seront plus prélevées par anticipation pour solder les dépenses d’une année antérieure, où chaque ministre rendra ses comptes, où les exactions et les prévarications des fonctionnaires seront réprimées, où la dette publique ne sera plus un problème insoluble, quelquefois même un mensonge offert comme un appât à la confiance aveugle des capitaux étrangers, le jour où tout cela n’existera plus, les finances de l’Espagne seront sauvées, et cependant il se trouvera encore, jusque dans les classes supérieures de la société, des gens qui ne dissimuleront pas leurs regrets pour ce régime de vénalité, de concussions et de brigandages. Triste exemple qui prouve combien l’anarchie peut, à la longue, pervertir l’esprit et la moralité d’un peuple !

M. Mon s’occupe de reprendre la gestion de certains revenus de l’Espagne, et de relever le crédit. Il régularise le mouvement des capitaux destinés aux services publics. Forcé, comme ses prédécesseurs, de recourir aux anticipations et aux emprunts, il obtient des conditions moins onéreuses pour le trésor. Il cherche à fixer le sort des créanciers de l’état. Après avoir liquidé en 3 p. 0/0 la créance des contratistes, et retiré de leurs mains les gages dont ils avaient été munis, il s’occupe de la conversion des billets de la dette flottante et du trésor ; mais l’acte le plus important de M. Mon est le décret du 8 août, qui suspend immédiatement, sauf la décision ultérieure des cortès, la vente des biens du clergé séculier, et en affecte les produits à son entretien. Ce n’est pas seulement un acte financier, c’est une mesure politique de la plus haute gravité. Nous croyons volontiers que les sentimens de religion et d’humanité y tiennent une grande part ; que le clergé, dépouillé de ses biens et ne recevant pas le paiement de la contribution que les lois lui avaient assurée en échange, devait exciter un vif intérêt ; qu’en appliquant les revenus des biens non vendus à l’entretien de leurs anciens possesseurs, on a agi d’après un principe d’équité. Nous reconnaissons aussi qu’en déclarant inviolable la propriété des biens aliénés, on a donné toutes les garanties désirables aux droits acquis ; mais, d’un autre côté, les biens non vendus étaient le gage des créanciers de l’état : ce gage disparaît, si la vente devient impossible, et si les revenus des biens reçoivent une affectation spéciale.

Un évènement prévu vient de s’accomplir en Grèce. M. Mavrocordato et ses collègues ont donné leur démission. Le roi a chargé M. Coletti de former un ministère. Déjà les députés élus dans les provinces arrivaient, et les élections d’Athènes avaient commencé ; elles ont été suspendues. Le ministère du 29 mars tombe sous le coup des mécontentemens que ses fautes ont provoqués de toutes parts. L’amnistie du 31 juillet, relative aux insurgés de