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soignés par un médecin attaché à chaque mine ; ils touchent chaque semaine une gratification ; les heures qu’ils donnent au travail au-delà du temps exigé leur sont payées, et ces divers salaires, en s’accumulant, leur permettent de se racheter après quelques années. Tous les nègres mariés ont une maison séparée, avec un jardin qu’ils cultivent le dimanche, jour de repos général. M. Herring m’assurait qu’il avait rarement d’autre punition à infliger que la suppression de gratification. En citant des faits qui témoignent en faveur de l’humanité des Anglais propriétaires de mines, je dois rappeler que je tiens ces détails des maîtres d’esclaves eux-mêmes, qui ont tout intérêt à dissimuler devant un Français leur sévérité à l’égard des nègres.

Cocaës, petite ville où je passai après avoir quitté Congo-Soco, est dans une jolie situation ; plusieurs des anciennes familles du Brésil y ont leur résidence. Le chef de la dernière révolution, le sénateur José Feliciano, s’y était réfugié, et quelque désir que témoignassent les autorités de s’emparer de sa personne, il restait tranquillement à Cocaës ; nul n’osait le troubler dans sa retraite. Don Jose Feliciano est un homme de mœurs douces et conciliantes ; tous ceux qui ont eu des rapports avec lui pendant sa présidence ne m’en parlaient qu’avec éloges. Devenu chef de parti, il a manqué de caractère et de résolution ; il faut se féliciter qu’il n’ait pas réussi, car une anarchie profonde eût succédé à la régularité apparente du gouvernement actuel, des vengeances eussent été exercées contre tous les étrangers, et la province de Minas, qui ne peut produire ses richesses que dans les temps de calme et de sécurité, serait devenue le théâtre des intrigues de ces prétendus démocrates qui ne pensent à détruire les institutions établies que pour avoir des places dans un gouvernement nouveau. — Près de Cocaës se trouvent encore des mines d’or exploitées par des compagnies anglaises, que les chances aléatoires de cette industrie n’ont pas découragées. Il faut toute la hardiesse et la ténacité du génie britannique pour expliquer cette persistance dans la poursuite des richesses mystérieuses du Brésil. L’une de ces mines, payée un million, n’a encore produit que des parcelles d’or sans offrir un filon régulier. L’autre, signalée comme très riche, a été mal exploitée dès le début : il a fallu faire venir d’Europe de nouvelles machines et entreprendre les travaux sur un nouveau plan pour réparer les fautes d’une mauvaise direction.

Poursuivant ma route vers le district des Diamans, je quittai Cocaës avec l’intention de franchir rapidement la distance qui me séparait de la petite ville de Conceicao. Malheureusement j’avais compté sans