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remettre en mer. Je pensais que nous allions regagner le temps perdu, vain espoir ! la machine se brisa de nouveau, et c’est avec une seule roue que nous atteignîmes l’île de Maragnan. Le souvenir d’une tentative de colonisation des Français se rattache à cette île. Deux fois les Français cherchèrent à s’établir au Brésil ; d’abord c’est de la baie de Rio-Janeiro qu’ils avaient pris possession sous les ordres d’un chef célèbre par sa cruauté, Villegagnon ; mais la colonie naissante, livrée à des divisions intérieures, ne put résister aux attaques des Portugais. Le fort Coligny, bâti à l’entrée de la baie, et qui porte encore aujourd’hui le nom de Villegagnon, n’était fondé que depuis quatre ans quand il fut pris par Mem de Sa. Dix ans plus tard, les colons, réfugiés dans l’intérieur des terres, étaient massacrés par les indigènes unis aux Portugais, et en 1568 le fort Coligny conservait seul le souvenir de notre apparition sur la terre brésilienne. La déplorable issue de cette première tentative ne découragea pas nos compatriotes. Moins de trente ans après, un négociant de Dieppe, Riffaut, ayant captivé l’affection des peuplades indiennes, pensait à fonder une colonie dans l’île de Maragnan. Ses vœux furent remplis, on forma un établissement. La colonie naissante avait malheureusement à se maintenir en présence de deux ennemis, les Portugais et les sauvages. En vain Laraverdière, secondé par François de Rasilly, avait amené dans l’île cinq cents Français et quatre missionnaires qui espéraient convertir les Indiens. On ne put se défendre contre les Portugais, et en 1615, vingt ans après la fondation du premier établissement par Riffaut, tous les Français avaient évacué l’île de Maragnan. Les Hollandais vinrent plus tard prendre possession de cette province, qu’ils abandonnèrent, en 1643, après avoir perdu leur colonie de Fernambouc.

L’île de Maragnan, située à deux degrés sud de l’équateur, s’enfonce à quinze lieues environ dans le continent, dont elle est séparée par deux fleuves, le Taboacourou et le Méary. Des bancs de sable rendent dangereuse l’entrée de la baie où s’élève cette île. Plusieurs bâtimens se perdent chaque année à la Punta d’Area, banc de sable qu’on ne peut doubler qu’en virant rapidement de bord. La pointe de San-Juan présente aussi des dangers : en 1842, deux bâtimens anglais s’y perdirent. Le gouvernement néglige de faire les travaux peu coûteux qui débarrasseraient ce passage des bancs de sable qui l’obstruent. On s’étonne de rencontrer tant d’obstacles à l’entrée d’une ville importante. Saint-Louis de Maragnan renferme de beaux édifices, ses places sont vastes, ses rues larges et toutes coupées à angle droit ; les maisons sont de construction espagnole. Des négocians d’origine portugaise, quelques