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l’Océan Pacifique. L’exemple d’une colonie florissante, où régneraient l’ordre et la paix, ne tarderait pas à éveiller l’attention des Brésiliens sur leurs vrais intérêts. Ils ne comprendraient pas de beaux préceptes de morale ; mais le bien-être matériel d’une population voisine leur enseignerait à coup sûr le respect de la justice et des lois.

En ce moment, les Brésiliens s’obstinent dans un triste aveuglement, l’évidence des faits pourra seule les convaincre. Animées d’un sentiment de jalousie contre des nations dont elles ne peuvent contester la supériorité, les autorités de l’empire témoignent une malveillance hostile contre tous les Européens chargés d’une mission politique ou commerciale, et qui doivent transmettre à leur gouvernement des rapports sur l’état du pays. Un agent français a été désigné pour Santarem, le président de la province a refusé jusqu’à ce jour de lui donner l’exequatur. Nous avons déjà parlé de la Boulonnaise et de sa mission toute scientifique ; cette mission consiste à dresser une carte de l’Amazone, carte qu’aucun officier ou ingénieur brésilien n’est en état de lever. Notre baleinière a reçu l’ordre de ne pas remonter le Toccantins au-delà de Sainte-Marie. Les canons du fort devaient tirer sur ce bâtiment, si la limite était dépassée ; le commandant de la Boulonnaise, M. de Montravel, a dû s’embarquer avec quelques matelots pour remonter le fleuve dans un canot du pays, et exécuter ainsi le sondage jusqu’à Santarem.

Cependant l’Angleterre s’agrandit, elle a su profiter du mécontentement qu’excitent parmi les Indiens les mesures barbares tolérées par le gouvernement du Brésil. Les Anglais sont déjà parvenus sur les bords du Rio-Negro ; bientôt les limites de leurs possessions s’étendront jusqu’à l’Amazone. Une commission avait été nommée pour la délimitation des frontières du Brésil et de l’Angleterre ; cette commission ne s’est pas encore réunie. Depuis plus d’un an, un Allemand désigné par le gouvernement brésilien pour prendre part aux délibérations des commissaires attend au Para un ordre de convocation. L’Angleterre temporise, elle ne veut rien terminer. Ces longs retards ne sont pas perdus pour ses agens ; ils envoient dans les tribus indiennes des marchandises qu’on livre à vil prix : j’ai vu des foulards anglais, apportés de quatre et cinq cents lieues dans l’intérieur, qui coûtaient moins cher que les moindres étoffes importées directement au Para. Ces relations commerciales, établies et facilitées par le bon marché, ouvrent à la puissance anglaise une voie qu’elle saura plus tard élargir. Deux officiers de la marine britannique se sont rendus récemment du Pérou dans l’Amazone. Le récit de ces deux voyageurs