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la gloire, l’avoir poussée et harcelée en ses derniers retranchemens, Parini n’en conclut pas moins qu’il faut suivre sa vocation d’écrivain quand elle est telle, et obéir coûte que coûte à son destin, avec une ame forte et grande[1]. Ce petit traité fait songer à celui de Cicéron sur la gloire, qu’on a perdu ; il en est la réfutation subsistante. — Sous le titre des Dits mémorables de Philippe Ottonieri, Leopardi nous donne son propre portrait en Socrate, ses propres maximes pratiques ; c’est là encore qu’on sent à chaque mot un ancien né trop tard et dépaysé. Le tout se résume dans cette épitaphe composée par Ottonieri pour lui-même :

LES OS
DE PHILIPPE OTTONIERI,
NE POUR LES ŒUVRES DE VERTU
ET POUR LA GLOIRE
IL A VÉCU OISIF ET INUTILE ;
IL EST MORT SANS RENOM,
NON PAS SANS AVOIR CONNU
SA NATURE ET SA
FORTUNE.

Le caractère de l’ironie socratique n’a jamais été mieux analysé et défini qu’au début de ce dialogue, digne d’être lu après Platon.

Comme je n’ai pas la prétention d’enregistrer au complet tous les écrits de Leopardi, je note seulement, au nombre de ses derniers travaux qui tiennent encore à la philologie, sa traduction de la chronique grecque précédemment indiquée (Martyre des saints Pères du mont Sinaï), en style trécentiste, qu’il publia en 1826 ; et peu après, en 1827, la traduction qu’il donna d’un discours de Gémiste Pleton, grand orateur et, qui plus est, penseur du Bas-Empire, venu trop tard ou trop tôt, et avec lequel il pouvait se sentir de certaines affinités. Vers 1830, la santé de Leopardi, âgé seulement de trente-deux ans, était tellement perdue qu’elle ne lui permettait que de rares instans d’application. Une édition de ses poésies, qui parut alors à Florence, était précédée de cette préface si touchante et si lamentable :


« Florence, 15 décembre 1830.

« MES CHERS AMIS,

« C’est à vous que je dédie ce livre, où je cherchais, comme on le cherche souvent par la poésie, à consacrer ma douleur, et par lequel à présent (et

  1. Parlant ailleurs de la gloire, à la fin de son Épître au comte Pepoli, Leopardi l’appelle « non pourtant une vaine déesse, mais une déesse plus aveugle que la fortune, que le destin et que l’amour. »