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L’attitude du ministère a été la consternation ; le langage de ceux qui l’approchent autorisait toutes les craintes. Nous connaissons des personnes à qui M. Guizot, même après la solution, a témoigné un découragement profond au sujet de l’alliance anglaise ; nous en savons d’autres auxquelles, après la solution également, il a découvert des pensées toutes différentes : il affirmait à celles-ci qu’il n’avait jamais craint une rupture violente ; il leur donnait les apparences timorées de sa conduite et de son langage pendant un mois pour un coup de fine diplomatie. A l’entendre, il aurait voulu effrayer tout le monde, afin de faire tourner à son profit les craintes qu’inspirerait à tout le monde une perspective sérieuse de guerre. Au fond, quelle peut être à ce sujet la pensée véritable de M. le ministre des affaires étrangères ? Est-il sincère, lorsqu’il se présente comme n’ayant jamais chancelé dans sa confiance ? ou bien, rassuré par l’évènement, suit-il la pente naturelle qui le porte d’ordinaire à dresser après coup des théories sur les faits accomplis ? Faut-il le croire plutôt dans l’expression de ses craintes ? Les défiances et l’irritation qu’il a soulevées en France, la mauvaise humeur, la colère qu’il a rencontrées dans le gouvernement anglais au début du dernier conflit, l’ont-elles fait réellement désespérer du maintien du bon accord entre les deux pays ? Son amour-propre déçu lui présente-t-il comme supérieure à d’autres forces que les siennes une tâche contre laquelle il a lui-même échoué ? Je ne me prononcerai pas sur ces questions. Je ne demanderai pas quelle est l’opinion que M. Guizot garde pour lui-même ; je demanderai plutôt celle qu’il peut avoir intérêt à faire partager au public et aux chambres, celle qu’il peut du moins avoir intérêt à faire insinuer par les personnes qui l’entourent, afin de la propager dans le pays. Pour ma part, si M. Guizot, en supposant qu’il ne les ait pas partagées lui-même, a pu croire, en d’autres circonstances, d’une bonne tactique de répandre des appréhensions sur la conservation de la paix avec l’Angleterre, j’incline à penser qu’il ne renoncera pas à un expédient qui lui a déjà réussi. C’est peu s’exposer à se tromper, et ce n’est pas d’ailleurs calomnier le ministère que de prendre son passé pour garant de son avenir, et de s’attendre à le voir employer encore, pour arracher aux chambres le vote de l’indemnité stipulée en faveur de M. Pritchard, le moyen dont il s’est déjà servi pour obtenir la sanction du désaveu de M. Dupetit-Thouars.

Qui ne voit cependant les funestes effets de cette tactique ? Sans doute, de la part d’un ministère qui s’est présenté comme apportant au pays le bénéfice d’une entente cordiale avec l’Angleterre, d’un