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que vous ne reconnaissiez pas que tous ces monumens ont le même aspect général, que toutes leurs parties essentielles sont conçues dans le même esprit et affectent les mêmes formes, que tous, enfin, ils ont cet air de famille qui distingue les édifices antiques appartenant à un même ordre.

Maintenant, si vous procédez le compas à la main, vous trouverez assurément des différences de mesure ; mais ces différences n’ont jamais rien d’excessif, elles ne sortent pas d’un certain terme moyen, et, tout en modifiant les dimensions des édifices, elles n’en altèrent pas les proportions. Les proportions dans les œuvres de l’art, comme dans celles de la nature, sont des lois générales les dimensions sont des accidens particuliers. Voyez si la nature soumet jamais ses créations à des mesures invariables. Donne-t-elle la même taille, à tous les animaux de même espèce ? Donne-t-elle même à leurs membres une grandeur toujours relativement égale ? Non, il n’existe pas deux êtres de même famille qui se ressemblent exactement, et cependant tous les individus de cette famille sont semblables par certains rapports généraux, rapports constans, immuables, nécessaires. Ce sont ces rapports qui constituent les proportions.

Ne vous récriez, donc pas si le plan de la cathédrale d’Amiens n’est pas absolument le même que celui de Notre-Dame de Reims, si la nef de l’une est moins longue que celle de l’autre relativement à la longueur du chœur, si les piliers de ces deux temples ne sont pas exactement de même épaisseur en comparaison de leur hauteur. Ce ne sont là que des diversités de dimension, diversités inévitables, et dont les monumens classiques, comme nous venons de le voir, ne sont pas plus exempts que les autres. Pourvu que dans une certaine mesure les rapports du tout avec les parties restent les mêmes, peu importe ces variations des parties entre elles. Ce qui constitue un système de proportions, ce n’est pas l’absence de ces apparentes anomalies, c’est la présence de certaines grandes lois générales supérieures à toutes les dissemblances individuelles : d’où il suit que si l’architecture du XIIIe siècle repose, comme nous le prétendons sur un système de proportions qui lui est propre, nous devons trouver dans toutes ses œuvres, quelles que soient les particularités qui les distinguent, certaines ressemblances fondamentales et nécessaires, indices certains d’un principe commun duquel elles émanent.

Or, rien n’est plus facile à constater. Commençons par examiner les plans ; nous allons distinguer à des signes infaillibles ceux du XIIIe siècle de tous ceux des âges précédens. Le plan du temple chrétien se trouve