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plus large que chacun de ses côtés ; en conséquence, son angle supérieur est plus obtus que les deux autres, ce qui donne à l’ensemble de l’ogive un aspect un peu lourd, un peu écrasé. Au XIVe siècle, au contraire, lorsque le style ascensionnel tend à l’exagération de son principe, la base de l’ogive devient plus étroite, et ses branches latérales sont de plus en plus allongées. Entre ces deux extrêmes, le XIIIe siècle nous donne le vrai type de l’ogive, c’est-à-dire cette forme dont l’angle supérieur résulte de l’intersection de deux courbes égales tirées des deux extrémités d’une ligne droite. C’est à l’usage presque exclusif de ce type que les chefs-d’œuvre du XIIIe siècle doivent ce caractère à la fois élancé et vigoureux qui les distingue. Ils ont beau s’élever à perte de vue, on est sans crainte sur leur solidité. Ce triangle équilatéral, qui se retrouve inscrit dans l’extrémité supérieure de toutes les ouvertures, donne à l’ensemble de la construction quelque chose de bien assis, un air d’aplomb, une consistance, qui font oublier tout ce qu’il y a de téméraire dans sa légèreté presque aérienne.

Est-il besoin de dire qu’en assignant ainsi à chaque période du style vertical une forme d’ogive déterminée, nous ne prétendons pas poser des règles absolues. Encore une fois, il n’existe pour aucune architecture des mesures invariables ; ce n’est jamais que sur des moyennes qu’on peut raisonner. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner si, même au temps de saint Louis, on trouve quelques ogives soit trop larges, soit trop étroites à leur base, en proportion de leur hauteur ; si, d’un autre côté, on aperçoit dès le XIIe siècle des exemples du type équilatéral ou si, dans le XIVe, il s’en présente encore. Des circonstances locales, des difficultés d’emplacement suffisent presque toujours pour motiver ces exceptions, et, lors même qu’elles proviendraient parfois du caprice des artistes, elles sont trop rares pour altérer l’autorité et le mérite d’observations mille fois répétées. Nous nous croyons en droit de regarder comme vrai et comme acquis à la science tout fait qui n’est presque jamais démenti ; voilà dans quel sens nous disons que, pendant le XIIIe siècle, l’ogive procède du triangle équilatéral, ou du moins qu’elle se rapproche, autant qu’il est possible, de ce type ; qu’au XIIe elle ne l’atteint pas encore, et qu’au XIVe elle tend à le dépasser. Quant au XVe siècle, nous n’oserions pas désigner quelle est exactement la forme de ses ogives : tantôt il les élargit outre mesure, tantôt il les rétrécit. Dans cet âge de recherches et de raffinemens, l’empire de la règle s’affaiblit, l’imagination semble gouverner seule : aussi cette époque n’est-elle fortement caractérisée que par son ornementation,