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comprimer les passions révolutionnaires, ne trouve rien de mieux que de donner le plus de force possible au pouvoir militaire ? Au sein même du cabinet, quelle était l’influence principale ? n’était-ce pas celle du général Narvaez qui, à son gré, pouvait conserver ou renvoyer M. Martinez de la Rosa, M. Mon, M. Pidal, tous les membres du ministère ? N’était-ce pas, à ce compte, le général Narvaez seul que l’on chargeait de réorganiser, d’administrer, de gouverner le pays ? La conséquence ne manquait point de justesse, on en doit convenir, et il est aisé de concevoir que les plus déterminés amis du ministère en aient pris sérieusement ombrage ; le cabinet est pourtant parvenu à calmer leurs alarmes : nous l’avons déjà dit, c’est à l’unanimité que le congrès a voté la loi qui lui concède un pouvoir à peu près dictatorial. Faut-il en conclure que le cabinet a pris l’engagement de substituer à l’autorité des capitaines-généraux et des conseils de guerre un régime plus conforme aux principes qui doivent présider à la régénération de l’Espagne ? Faut-il en conclure que le général Narvaez a promis de ne point se séparer de MM. Mon et Pidal ? Faut-il en conclure, enfin, qu’on n’est plus menacé, à l’heure qu’il est, d’une crise ministérielle toute semblable à celles qui, depuis la chute du duc de la Victoire, ont si profondément affaibli le gouvernement de Madrid ? Nous le souhaitons sans oser l’affirmer ; ce que nous savons bien, c’est que le cabinet Narvaez, ni aucun autre cabinet en Espagne, ne pourra venir à bout de surmonter une seule des difficultés dont se hérisse l’œuvre immense de la réorganisation civile et administrative, si, d’abord, il ne s’efforce de faire croire, non-seulement à son libéralisme, mais à sa durée.


— Parmi les brillans volumes qui paraissent en si grand nombre à cette époque de l’année, les Cent Proverbes[1] illustrés par Grandville méritent assurément une place à part On sait avec quelle verve et quelle finesse Grandville traduit des intentions qu’il ne semble donne qu’à la plume d’exprimer. L’illustration des Fables de La Fontaine préparait le spirituel dessinateur au travail qu’il vient de faire sur les proverbes. Il s’agissait encore cette fois d’expliquer avec le crayon des préceptes de morale, et d’une morale non moins naïve que celle du fabuliste, de cette morale populaire qui a mérité d’être appelée la sagesse des nations. Les difficultés d’une pareille tâche ont été heureusement vaincues par Grandville. Le texte de l’ouvrage, dû à des plumes anonymes, est fort amusant. Chaque proverbe est le sujet d’une petite nouvelle, qui en est le commentaire attrayant et animé. Rien ne manque donc aux Cent Proverbes de ce qui peut assurer le succès d’une publication illustrée.



V. de Mars.
  1. Un vol. in-8o, chez Fournier, éditeur, rue Saint-Benoît, 7.