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s’occupait moins d’intriguer que de se battre, l’influence française fut sans cesse invoquée et survécut à toutes les fautes du gouvernement. De même que la Russie agissait par les idées religieuses, la France d’ailleurs agissait par les idées libérales. Sous la restauration, ces idées étaient poursuivies, censurées, proscrites ; mais elles n’en faisaient pas moins leur chemin par la voie de la tribune ou de la presse, et la Grèce, comme toute l’Europe, en ressentait le contre coup.

Voilà ce qu’était le parti français et ce qu’il est encore. A vrai dire, ce parti n’est autre que le parti national, le parti grec, celui qui veut à la fois l’indépendance et la liberté de son pays. Le principe fondamental de ce parti, c’est donc de n’être point exclusif, et d’accueillir avec empressement, avec joie tous ceux qui n’acceptent ni le despotisme ni la domination étrangère, tous ceux aussi qui croient que les destinées de la Grèce ne sont pas enchaînées pour toujours dans ses limites actuelles, et que ce petit état est, comme on le disait il y a dix ans, le commencement d’une grande chose.

Quand on parle du parti français ou du parti national, il est impossible de passer sous silence le patriote illustre qui depuis plus de vingt ans en est le chef. Issu d’une famille distinguée de l’Epire, Jean Coletti fut, vers 1813, placé auprès du pacha de Janina, en apparence comme médecin, en réalité comme otage. C’est dans cette situation difficile et périlleuse que, pendant sept années, il travailla à organiser les hétairies et à préparer le mouvement. L’insurrection commencée, il s’y jeta sans réserve, et depuis ce moment, soit comme membre des conseils exécutifs, soit comme ministre, soit comme ambassadeur, il n’a cessé de prendre une part active et efficace aux affaires de son pays. Je puis dire avec certitude que le mot de « parti français » est précisément entendu par M. Coletti comme je viens de l’expliquer. M. Coletti aime la France ; mais il aime mieux la Grèce, et s’il y avait à se prononcer pour l’une ou pour l’autre, il n’hésiterait pas. Heureusement le bon accord entre les deux peuples lui parait un fait nécessaire, permanent, et qui s’explique, non par une combinaison arbitraire de l’esprit, mais par la force des choses.

La tradition historique, de vieilles habitudes entretenues et cultivées avec beaucoup d’habileté, la communauté religieuse ; voilà quelles sont en Grèce les forces réelles de la Russie. L’identité des intérêts et des idées, voilà quelles sont celles de la France. On comprend donc un parti russe et un parti français ; mais un parti anglais, comment le concevoir ? Le premier acte par lequel l’Angleterre se fit connaître à