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commerçant est l’esprit dominant. Il convient donc de donner aussi à cet esprit quelques encouragemens. Or, il faut le dire, la révolution grecque jusqu’ici n’a point été favorable à l’esprit commerçant. Une ville celle de Syra, est bien montée de six mille habitans à seize mille, et sa prospérité est considérable aujourd’hui ; mais en revanche que sont devenues les maisons jadis si riches et si puissantes de Spezia et d’Hydra ? Qu’est devenue la population si active, si industrieuse, de ces îles héroïques ? On sait la grande place qu’Hydra et Spezia ont tenue dans la guerre de l’indépendance. C’est de là que s’élançaient les braves marins qui tenaient en échec les flottes du sultan et du pacha d’Égypte ; c’est de là que le trésor grec obéré tirait habituellement des secours ; c’est de là, enfin, que sortaient quelques uns des hommes qui ont figuré avec le plus d’éclat à la tête des affaires, les Conduriottis par exemple. Il y avait alors un parti hydriote comme un parti rouméliote, comme un parti péloponésien, et ce parti n’a presque jamais cessé de se ranger du côté de ceux qui voulaient réellement l’indépendance et la liberté de la Grèce Aujourd’hui, Hydra et Spezia sont pauvres et presque dépeuplées : c’est un douloureux changement.

Il faut d’ailleurs le reconnaître : ce changement est un de ceux auxquels il est peut-être bien difficile de remédier. Avant la révolution, les Grecs étaient en possession de tout le commerce de la Turquie, et ce commerce, une fois la Grèce affranchie, devait leur échapper en partie. De plus, la main d’œuvre est aujourd’hui en Grèce beaucoup plus chère qu’elle ne l’était alors. Ce n’est certes point un malheur pour la Grèce ; c’en est un pour sa marine, qui se recrute plus difficilement, et ne peut plus naviguer à si bon marché. Il est clair pourtant qu’avec ses côtes et ses îles, toutes sillonnées de golfes profonds, la Grèce doit, un jour ou l’autre, reprendre sa supériorité maritime. Il appartient à un bon gouvernement de hâter ce moment par de sages mesures, par des mesures qui favorisent autant que possible le commerce extérieur et la navigation nationale. Cela vaudrait mieux que de s’amuser, par une imitation puérile et surannée, à créer, à grands frais, aux Thermopyles, une fabrique de sucre de betterave.

Encore une fois, comme nation agricole, comme nation commerçante, la Grèce a de grandes ressources naturelles. Ce dont elle a besoin pour que ces ressources se développent, c’est d’un gouvernement qui, d’une part, ne recule pas plus long-temps devant d’indispensables réformes, qui, de l’autre, ne néglige rien pour appeler