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il faut qu’elle fournisse encore celles de la morale ; la saine raison ne peut les chercher ailleurs.

Discuter en détail ce simple résumé de ce qu’on peut appeler la doctrine générale du livre des Rapports serait une œuvre mais il en ressort évidemment qu’un fait a dominé la pensée de Cabanis, c’est le fait singulier et certain, mystérieux et familier, de l’influence du physique sur le moral. Ce fait que l’expérience atteste journellement tente les esprits les moins systématiques en faveur des systèmes matérialistes. On entend sans cesse dans le monde des réflexions chagrines, ou moqueuses sur cet assujétissement de nos facultés à nos besoins. L’homme s’est plaint souvent d’être une machine avant que des philosophes aient imaginé de l’en vanter.

Ce fait a mille symptômes ; il n’est que la généralisation d’une foule de faits particuliers. Le livre de Cabanis est un recueil descriptif des plus saillans qu’il ait pu recueillir. Il les présente avec art, avec talent sans doute, encore qu’il apporte rarement dans la description une exactitude expérimentale. Cependant une grande partie de ces faits ne peuvent donner naissante à aucune démonstration, à aucune induction, quant à l’objet qu’il semble se proposer ; ce sont des renseignemens précieux pour l’histoire naturelle, et voilà tout. L’influence des âges, des sexes, des tempéramens, des maladies, du régime et des climats, sur les idées, les affections, les dispositions et les habitudes morales, peut ressortir en effet assez clairement des six mémoires que Cabanis consacre à l’établir ; mais il en résulte peu de chose pour la solution des grandes questions philosophiques, et il n’a pas mis dans son ouvrage les preuves des conséquences que ses disciples en ont tirées et qu’il a l’air de désirer ou de prévoir. Au fond, on dirait qu’il cherche à complaire au matérialiste, mais qu’il n’est nullement sûr de l’être lui-même Son ouvrage a une tendance et point de conclusion.

Parmi les circonstances qui influent sur l’état intérieur, il en est un grand nombre dont l’effet prouve seulement que l’homme est un être sensible, un être, qui communique avec le monde physique. Quand, par exemple, un fait matériel, agit sur le moral d’un individu à travers le physique, par le plaisir ou la douleur, même sentis confusément, c’est un phénomène qui ne prouve rien contre l’esprit. Ainsi la maladie attriste, elle rend tantôt égoïste et morose, tantôt affectueux et reconnaissant. La jeunesse donne de la confiance et de la hardiesse, parce qu’elle a force, avenir, inexpérience ; la vieillesse, par des raisons opposées, inspire des dispositions contraires. Dans une saison humide, sombre et froide, l’homme sera faible, inerte et timide ;