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est répandu partout, et tend sans cesse à s’organiser en être sensibles. La sensibilité est distribuée dans toutes les parties de la matière, puisque nous y remarquons distinctement l’action de causes motrices qui, non-seulement les tiennent dans une activité continuelle, mais qui tendent à les faire passer par tous les modes d’arrangement régulier et systématique, depuis le plus grossier, jusqu’à l’organisation la plus parfaite. Comme rien ne peut être observé hors de l’univers, rien ne doit supposé hors de lui. Seulement, il faut l’animer d’intelligence et de volonté : Jupiter est quodcum que vides. L’intelligence se trouve rassemblée en quantité suffisante dans les organisations particulières, dans ces existences qui sorties du réservoir commun de toute sensibilité, y rentrent sans cesse pour en ressortir encore, et qui, pendant toute la durée de la combinaison, jouissent de la personnalité du moi. Nous voici, comme on le voit, en plein spinozisme.

Mais le mot de personnalité a été prononcé : comment le concilier avec ce panthéisme vaguement imité des stoïciens ? Cabanis s’en inquiète si peu, qu’il se pose une question absurde pour le panthéisme : le système moral de l’homme, ce système dont le moi peut être regardé comme le lien, le point d’appui, partage-t-il à la mort la destinée de la combinaison organique ? Ici les présomptions sont plus faibles ; mais l’opinion qui considère le moi, non comme un résultat de l’organisation, mais comme le signe d’un principe actif dont l’existence est nécessaire à l’explication rationnelle des faits, offre, quand on la compare à l’opinion contraire, un degré de probabilité supérieur. De nombreuses considérations portent à regarder le principe vital, non comme une simple propriété des organes, mais comme une substance, un être réel ; et alors, indécomposable ainsi que les élémens de l’organisation, il est indestructible comme eux. Voilà le spiritualisme mais comme ce principe est une émanation du principe général sensible et intelligent qui anime l’univers, il doit, dans tous les cas, aller se réunir à cette source commune de toute vie et de tout mouvement en se séparant du corps organisé, et voilà encore le panthéisme.

Si l’on demande à Cabanis ce que ce principe peut être en lui-même il répond qu’on ne le connaît que par ses effets. La sensibilité, cause exclusive et nécessaire de l’intelligence ; est le véritable et peut-être l’unique caractère sans lequel on ne le peut concevoir. Mais puisqu’il est sensible, la conscience du moi lui est essentielle. Or, ce moi ne peut être que celui du système organisé qu’il anime par sa présence et la persistance du principe vital, après que le système a cessé