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ici, du particulier général, la conclusion est juste, puisqu’enfin la masse de numéraire qu’une nation possède se trouve nécessairement répartie dans toutes les caisses privées. Il est donc impossible d’arriver, par voie législative, par des combinaisons économiques, à faire affluer et à fixer chez un peuple une quantité de numéraire supérieure celle que son mouvement commercial réclame ; tout ce qui excède cette mesure reflue nécessairement au dehors, avec d’autant plus de rapidité que les monnaies sont d’un transport facile, et qu’elles s’échangent sans peine contre toutes sortes de produits. Aussi les lois faites en divers temps en vue de ce résultat chimérique, l’accumulation du numéraire dans un pays, lois fâcheuses à d’autres égards, n’ont jamais atteint le but qu’on s’était proposé.

Pareillement, et par des raisons semblables, un peuple ne reste jamais dépourvu des monnaies que sa circulation demande, à moins qu’il ne refuse de les payer à leur valeur. Si pauvre qu’il soit, il trouve toujours assez d’autres valeurs à donner en échange de celle-là ; et le besoin même qu’il en éprouve, en donnant accidentellement la monnaie une valeur supérieure à celle qu’elle a partout ailleurs, suffit pour la faire affluer chez lui. Au reste, loin que les pays pauvres soient à cet égard moins bien partagés que les autres, nous pouvons dire qu’ils sont en général, et toute proportion gardée, plus pourvus de numéraire que les pays, riches, où un crédit mieux établi dispense plus fréquemment de son emploi.

Mais s’il est impossible de détruire législativement le rapport nécessaire qui s’établit entre la somme du numéraire et les besoins, il ne l’est pas, et nous venons de l’indiquer, de diminuer ces besoins mêmes, soit en suppléant à certains égards à l’emploi de la monnaie, soit en multipliant en quelque sorte ses services par un aménagement plus judicieux. C’est là un digne objet de l’attention des hommes d’état. Qui ne comprend en effet que la somme de numéraire dont un pays se sert pour ses échanges, ne lui étant acquise qu’à titre onéreux, c’est-à-dire au moyen du sacrifice d’une portion, de son capital productif, il est du plus haut intérêt de diminuer l’étendue de ce sacrifice, autant qu’on le peut sans nuire à la facilité des transactions ? Si les monnaies sont nécessaires pour les échanges, elles ne sont utiles que pour cela : à tous autres égards, elles forment un capital stérile. Que l’on consente, en vue de la facilité des échanges, à laisser improductive une portion toujours assez considérable du capital actif, c’est un calcul assurément bien entendu, puisque cette facilité des échanges est une compensation suffisante du sacrifice auquel on se soumet ;