Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que nous nous proposons en ce moment : aussi nous bornerons-nous à quelques indications générales.

Il faut d’abord écarter cette idée trop commune, qu’on ne puisse diminuer la masse du numéraire en circulation dans un pays qu’en la remplaçant en partie par des billets de banque. Nous sommes bien loin de proscrire l’usage de ces billets, et nous avons montré ailleurs[1] les avantages qu’on peut tirer de leur émission bien entendue ; mais leur fonction essentielle n’est pas, comme on le pense à tort, de remplacer la monnaie, et, dans tous les cas, ils n’offrent pas le moyen praticable de suppléer au service utile de cette dernière. Ce qui le prouve sans réplique, c’est que la somme des billets émis par toutes les banques anglaises n’excède que rarement, et le plus souvent n’atteint pas même celle du numéraire en circulation dans le pays, et que ces deux sommes réunies n’égalent pas encore la moitié de celle qui existe sous la seule forme de monnaie en France.

Le principal moyen d’économiser l’emploi du numéraire, c’est de réunir dans des caisses communes toutes les réserves particulières des négocians. Un exemple rendra cette idée sensible. Supposons que mille négocians dans Paris tiennent chacun en réserve dans leurs caisses une somme de 5,000 francs, par prudence ; comme cela se fait d’ordinaire, et rien que pour parer aux besoins imprévus. C’est une somme totale de 5,000,000 qui dormira inutile, dans l’attente d’évènemens futurs. On ne saurait blâmer cette mise en disponibilité d’une portion de numéraire, bien qu’elle la frappe accidentellement d’une stérilité complète, car la prudence la plus vulgaire en fait une loi ; pourtant il est facile de comprendre qu’en réunissant toutes ces réserves particulières dans une caisse commune, où chacun viendrait puiser alors seulement que ses besoins imprévus se manifesteraient, on remplirait le même objet avec une somme bien moindre. Un seul million y suffirait. C’est donc quatre millions sur cinq dont on économiserait l’emploi sans nuire en rien au bien du service, et cela s’applique aux billets de banque tout aussi bien qu’au numéraire lui-même. De telles économies ne sont pas sans exemple en France, surtout à Paris ; mais l’usage n’en est pas à beaucoup près assez fréquent, ni assez étendu. Ce serait aux banques qu’il appartiendrait de le propager, si les banques étaient parmi nous plus nombreuses et plus libres. Au reste, ce

  1. Revue des deux Mondes, livraison du 1er septembre 1842, le Crédit et les Banques.