Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/382

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déclarations qu’il a faites, des intentions qu’il a publiquement exprimées. Ainsi compris, le voyage du roi à Windsor n’a rien qui puisse froisser les susceptibilités nationales.

Plusieurs circonstances ont modifié, dit-on, le caractère, privé et personnel que le roi voulait donner à sa visite. Jusqu’ici, ces circonstances nous ont paru secondaires. En réponse à des adresses présentées par les municipalités anglaises, le roi a prononcé des discours, et dans ces discours il a parlé de la paix. Pouvait-il faire autrement ? Devait-il refuser d’entendre les félicitations des aldermen ? Harangué par eux, devait-il garder le silence ? ou bien, en leur répondant, pouvait-il témoigner autre chose que des sentimens pacifiques ? Espérons que la France n’aura pas d’autres griefs à exprimer sur le voyage de Windsor, et qu’elle n’aura pas à regretter des imprudences plus graves.

Malheureusement, le ministère nous a appris depuis long-temps qu’on ne peut guère compter sur son habileté. Le cabinet du 29 octobre n’a jamais su garder une juste mesure dans ses rapports avec l’Angleterre. Toujours dominé par la pensée de l’alliance anglaise, et rattachant à cette pensée toute sa politique, combien de fois l’avons-nous vu montrer un empressement irréfléchi, fausser sa situation par des démarches indiscrètes, engager témérairement sa liberté et celle de la France sur les questions les plus délicates. Qu’on se rappelle ce qu’il a fait après la visite de la reine d’Angleterre au château d’Eu. La démarche spontanée de la jeune reine, les sentimens d’estime et d’affection nés dans le cœur des deux royales familles, ont été tout à coup transformés en un signe manifeste d’alliance entre les deux pays, et nous avons vu naître le système de l’entente cordiale. Serions-nous exposés à revoir bientôt de pareilles fautes ? On pourrait le craindre en observant la presse ministérielle, et en lisant certaines relations du château de Windsor, écrites sous les yeux de M. le ministre des affaires étrangères. De ce côté, en effet, le voyage du roi prend déjà des proportions immenses : c’est l’inauguration d’une ère nouvelle ; c’est le gage d’une alliance féconde entre les deux nations.

Assurément, ce n’est pas nous qui cherchons à diminuer le succès obtenu par le roi en Angleterre. Les hommes éminens de la Grande-Bretagne l’ont entouré des témoignages de leur admiration et de leur respect. La foule l’a salué avec enthousiasme. Ses qualités personnelles, les circonstances extraordinaires de sa vie, les évènemens qui ont marqué son règne, ont produit un effet puissant sur les imaginations britanniques. Cela ne nous surprend pas, et nous sommes les premiers à nous en réjouir. La France de juillet ressent un légitime orgueil en voyant les hommages rendus en Angleterre au chef qu’elle a choisi. Cependant, ces hommages ont un caractère direct et personnel qu’il faut bien se garder de dénaturer, si l’on ne veut pas s’exposer a de rudes mécomptes. De même que le roi, en abordant sur les rivages de l’Angleterre, y est venu seul, laissant derrière lui la France, non pas indifférente,