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première ; on ne soupçonne même pas qu’avant cette époque, l’Illyricum pût être déjà habité par des Slaves opprimés, qu’avait refoulés la conquête romaine, mais qui, renforcés par leurs frères du nord, relevèrent alors contre Rome leur tête indomptée. Qui prouvera que cette prétendue émigration des Slaves du nord au sud ne fut pas une restauration des Slaves latinisés, la délivrance des Illyriens primitifs par leurs frères puînés du septentrion ? Ces farouches tribus qu’on voit, sous le nom de Croates blancs et de Croates rouges, sortir des montagnes tchèques de la Moravie, des steppes de la Russie et de la Léquie primitive, puis franchir le Danube, volaient peut-être vers l’Illyrie comme vers leur mère, pour briser les chaînes dont l’avait chargée l’ambition des césars. Qui sait s’ils n’allaient pas à l’Adriatique, comme vont au Balkan les Russes actuels, sous prétexte de délivrer leurs frères, et de relever Krapina, la sainte forteresse d’Illyrie ?

Actuellement encore des liens intimes existent entre les Croates et les Tchéquo-Slaves. Les deux peuples sont restés unis dans le bassin du Danube sur une assez longue étendue de frontières. Cette portion des pays tchèques qui confine à l’Illyrie, et se trouve enclavée dans le royaume maghyar, est la Slovaquie. Entre la Slovaquie et la Tchéquie proprement dite ou le royaume de Bohême, s’étend le duché de Moravie, qui, avec plusieurs districts de Silésie, fait également partie intégrante du territoire des Tchéquo-Slaves. Cette nationalité se trouve donc scindée comme celle des Illyriens en trois grandes parties. On évalue le nombre des Tchèques à 3,016,000 pour la Bohême, 1,400,000 pour la Moravie et la Silésie, 2,753,000 pour la Slovaquie, ce qui donne un total de plus de 7 millions d’hommes, et dans ce chiffre ne sont pas compris 104,000 Juifs, ni 1,748,000 Allemands, établis en Bohême et en Moravie.

Des trois fractions du peuple tchèque, la plus ancienne est celle des Slovaques, qui occupent presque à eux seuls tout le nord-ouest de la Hongrie et une partie des comitats du sud-ouest, et ont formé des colonies nombreuses jusque dans le centre de ce royaume. Bien différens de leurs superbes et belliqueux voisins d’Illyrie, les Slovaques sont d’humbles et timides laboureurs. Peut-être faut-il expliquer par leur caractère inoffensif l’oppression extrême qui pèse sur eux, et qui fait presque désespérer de les voir se soutenir comme nation, vis-à-vis des Maghyars, acharnés à les dénationaliser. La Slovaquie renferme les districts les plus montagneux et les moins fertiles de toute la Hongrie, et néanmoins ce sont les plus peuplés et les mieux cultivés. On peut dire que le Slovaque remplit en Hongrie le même