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à une servitude civilisée une indépendance sauvage, il se fit kosaque, c’est-à-dire brigand dans la steppe. Enfin ces terribles Kosaques, flattés par la Pologne, consentirent à s’unir fédéralement avec elle. Les Kosaques étaient de rite gréco-slave ; les prélats latins de Pologne virent dans cette circonstance une occasion de montrer leur zèle : la noblesse, par raison politique, soutint leur propagande. De grands privilèges et la préséance sur leurs concitoyens furent partout assurés à ceux des Kosaques qui adoptaient le rite latin. L’Ukraine, indignée, courut aux armes, et alors commença entre les Slaves grecs et les Slaves latins cette longue guerre qui, sous mille formes, s’est prolongée jusqu’à nos jours, et dont le résultat le plus évident a été d’assurer à la Russie, protectrice du rite opprimé, sa suprématie actuelle.

Contraints, par l’intolérance de la Pologne de s’annexer à l’empire des tsars, les Kosaques n’ont pas cessé d’être la principale force militaire de cet empire. Sans eux, il ne saurait subsister. La vivacité enjouée, l’audace, les mœurs aventureuses de ces guerriers forment une transition naturelle entre le caractère grave et flegmatique, la vie casanière du Moscovite, et le caractère ardent des nomades et des peuples enfans de l’Asie. Si depuis trois siècles la Russie ne cesse pas de refouler chaque jour plus avant dans la steppe l’élément asiatique, elle le doit aux courses lointaines, à l’esprit de colonisation des aventureux Kosaques. N’est-ce pas un Kosaque qui a livré la Sibérie aux tsars ? n’est-ce pas ce peuple qui couvre comme d’un réseau de ligues militaires, tous les pays tatares, et les force au repos, en même temps que par son exemple il leur enseigne la vie agricole ? Le secret de l’unité russe s’explique par les Kosaques. Ces cavaliers infatigables savent se porter en corps nombreux, et avec la rapidité de l’éclair, d’un point à un autre ; ils volent du Caucase à l’Altaï,.ou du Dniepre au Voga, comme un régiment se porterait chez nous du Jura aux Pyrénées ou de la Seine à la Loire. Le Kosaque ne fait pas seulement la police dans ses immenses déserts contre les nomades et les barbares, il la fait encore dans toutes les provinces et jusque dans les capitales. Le Kosaque est l’omnis homo des tsars.

Eh bien ! veut-on savoir comment les tsars ont traité cet utile serviteur, cet être, nécessaire qui les a faits tout ce qu’ils sont ? Lorsque l’intolérance et l’ambition politique du clergé polonais, soutenu par l’oligarchie des magnats, eurent contraint les tribus kosaques de s’annexer à la Moscovie, ces tribus ne le firent néanmoins qu’à la condition de rester libres chez elles et de continuer à se gouverner elles-mêmes par leurs diètes et leurs alamans. Ces privilèges leur furent