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s’accroît par sa propre fécondité d’un million d’ames, dont 500,000 pour la Russie seule, tandis qu’au contraire l’Occident latin ne s’accroît plus que faiblement, et alors on ne pourra s’empêcher de reconnaître qu’aujourd’hui, comme à la chute de l’empire romain, il s’entasse à l’Orient et au Nord de formidables masses d’hommes, qui, étant à la fois pauvres et opprimés, ont tout à gagner et n’ont rien à perdre à de grandes révolutions dans le système général du monde. On est même forcé de reconnaître qu’en supposant un moment comme possibles de nouvelles invasions d’Orientaux, l’Occident actuel n’aurait pas pour se défendre l’avantage du monopole de la civilisation et de l’unité politique, qui défendit si long-temps l’empire romain. En effet, les Gréco-slaves ne sont point, comme l’étaient les Germains et les Scythes, étrangers à la civilisation. Quant à l’unité politique, les Gréco-Slaves ont sans doute répudié jusqu’a présent celle que leur présente chaque jour la flatteuse Russie ; mais ils forment nécessairement une grande unité morale, puisque les mêmes mœurs, la même origine, et presque partout la même religion les unissent. Les Osmanlis eux-mêmes en Turquie, et les Maghyars en Hongrie, bien qu’ils ne soient pas Slaves de langage, ne se distinguent pas des Slaves par les mœurs et les tendances sociales.

On parle d’organiser un antagonisme entre le Nord et l’Orient, en mettant d’un côté la Russie, de l’autre la Turquie et l’Autriche. Cette dualité ne pourra jamais exister que dans les intérêts ; quant aux relations morales, le Serbe de l’Adriatique en a de moins grandes avec son voisin le Slave latin de Trieste qu’avec le Russe de Pétersbourg. Il n’y a pas chez les Slaves d’autre antagonisme moral que celui qui naît de la diversité des principes entre l’Orient et l’Occident ; encore qu’est-ce que ce dualisme représenté par les Slaves grecs et les Slaves latins ? Voyons la puissance des uns et la puissance des autres.

Au parti grec appartiennent d’abord tous les Grecs, toute la nation roumane, la majorité des Syriens, un nombre considérable d’Arméniens, en tout plus de 10 millions ; ensuite, parmi les Slaves illyriens, la presque totalité des Bulgares et des Serbes, puisque ceux même qui sont unis à Rome ont gardé la plupart le rite gréco-slave ; ces 9 millions d’Illyriens, joints au chiffre précédent, donnent, pour la Turquie, la Grèce et l’Autriche, 19 millions de chrétiens orientaux. Viennent ensuite les trois Russies : 35 millions de Moscovites, 2 millions 500,000 Biélo-Russes, 13 millions de Russines, dont, à la vérité, 3 millions reconnaissent le pape, mais gardent les rites gréco- Slaves, total pour la race russe : 50 millions 500,000. L’église orientale