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sa tribu, par une de ces terribles épidémies de petite-vérole qui déciment les populations indiennes, on l’enterra debout, sur un mulet vivant, au sommet d’un monticule de verdure, le visage tourné vers la terre des blancs, ainsi qu’il en avait donné l’ordre. Wha-Schinga-Sabas était tellement craint des siens, qu’on n’osait le réveiller quand il dormait : on le chatouillait sous le nez avec un brin d’herbe[1]. Au-delà de la tombe de l’Oiseau-Noir et à partir du confluent du Missouri et d’un de ses principaux affluens, la Rivière-Plate, le terrain perd de sa fertilité, et la végétation n’a plus la même vigueur que sur les rives du Bas-Missouri. La nature argileuse du sol, qui, lors des chaleurs de l’été, prend la dureté de la pierre, frappe de stérilité une partie de ces immenses prairies. Les troupeaux de bisons ne s’y montrent que durant l’hiver, quand la rigueur du froid les chasse des districts avoisinant les Montagnes Rocheuses.

Comme le Yellow-Stone arrivait à la hauteur du district des Indiens Puncas, dont la tribu habite la contrée qui s’étend au sud du Missouri, au-dessus du confluent de cette rivière et de la rivière Qui-Courre, une troupe d’indigènes visita les voyageurs. Leur chef exprima le désir que leur grand-père (c’est ainsi qu’ils appellent le président des États-Unis) leur envoyât des instrumens aratoires. « Dans cette occasion, la pose de l’orateur était belle. Il avait l’épaule et le bras droit nus, et gesticulait de la main. Sa noble figure avait beaucoup d’expression. » A Cedar-Island, sur les limites du territoire des Indiens Puncas et des Indiens Dacotas, les voyageurs rencontrèrent les premiers bisons, ainsi que des troupeaux d’antilopes. Des couches -de houille commençaient aussi à se montrer par places, alternant avec le sable et l’argile des collines. Une de ces couches régnait sur les deux bords de la rivière, à la même hauteur. Elle s’étendait aussi loin que la vue portait, et pouvait être suivie sur un espace de plusieurs centaines de milles. Lors des incendies des prairies, ces houilles, qui sont à découvert, s’enflamment ; le feu s’étend souterrainement et dure souvent plusieurs années. D’ailleurs rien ne croît sur ces collines d’argile, dont les sommets semblent calcinés par la flamme, et ont la couleur et la dureté de la brique.

Sioux-Agency, ou fort Lookcout, deuxième station du Missouri, où le Yellow-Stone s’arrête, est un poste de la compagnie américaine des pelleteries, agréablement situé sur une pelouse entourée de collines boisées, et derrière lesquelles s’étend la vaste prairie dans toute sa

  1. Voyez, dans l’Astoria de Washington Irving, l’histoire de ce chef.