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prince de Wied-Neuwied complètent heureusement ces curieuses explorations. Le major Long a pu pénétrer au cœur de la grande chaîne centrale qui continue à travers l’Amérique septentrionale les Cordillières et les Andes ; il a vu plus de pays que le prince, mais ses observations portent sur moins d’objets et sont plus superficielles. Les montagnes qu’il a visitées, comme toutes celles du continent américain, ne présentent pas une chaîne régulière et uniforme, et quoique leurs cime dépassent souvent la limite des neiges éternelles et atteignent à une hauteur de onze à douze mille pieds, elles ne paraissent pas d’une élévation extraordinaire. C’est que chacun des petits groupes ou des pics détachés qui composent ce système s’élèvent du milieu de hautes plaines étagées à plusieurs milliers de pieds au-dessus du niveau de l’océan. L’aspect de ces sommités granitiques et de ces plaines formées par leurs détritus est singulièrement désolé ; pas un arbre, pas un brin d’herbe n’égaie la teinte morne et plombée du sol, que dévorent pendant l’été les rayons d’un soleil de feu, et que pendant l’hiver la neige enveloppe d’une couche épaisse. Cette zone de désolation et de stérilité s’étend à plusieurs centaines de milles sur les deux versans nord et sud de la chaîne. Washington Irving appelle cette région le grand désert américain.

Nous ne voulons ni analyser le livre de Washington Irving, ni suivre le prince de Wied-Neuwied dans sa navigation de plus de mille lieues sur le Missouri. Il nous suffira d’indiquer ici les résultats principaux du voyage. Durant son excursion au cœur de cette vaste contrée, la moins peuplée de la terre, le prince a trouvé constamment de quoi occuper son observation. Les animaux, à défaut de l’homme, couvrent les bords de la grande rivière, qui, aux environs des villages des Meunitarris, à mille huit cents milles de son confluent avec le Mississipi, a encore un demi-mille de largeur. Les monstrueux bisons, les elks aux cornes rameuses, les cabris et les antilopes, réunis par grandes troupes, parcourent les prairies. Le castor ronge les bois du rivage pour en former sa demeure ; les cignes, les oies sauvages et une foule d’oiseaux aquatiques couvrent les eaux du fleuve. D’énormes amas de serpens remplissent les interstices des rochers et les cavités des collines qui dominent ses rives, et par momens, quand vient le soir, le grand ours noir (grizzly bear), l’ours gris et le loup blanc, apparaissent comme des fantômes sur la lisière des forêts.

Le Yellow-Stlone avait quitté Saint-Louis depuis soixante-quinze jours, quand les voyageurs atteignirent le Fort-Union, la cinquième grande station du Missouri. Ce fort situé au-dessus du confluent du