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Robert Peel refusait de prendre au sérieux les ouvertures du prétendant. Les chances matrimoniales du prince des Asturies parurent alors tellement désespérées, que toutes les conjectures en Europe se portèrent d’un autre côté ; un instant, le bruit s’accrédita qu’un prince napolitain, appelé par sa tante, Marie-Christine, se rendrait incognito à Barcelone, et la reine régente lui devait, disait-on, brusquement donner la main de sa fille, sans même prendre l’avis de ceux des ministres demeurés à Madrid. Nous ne voulons pas scruter les intentions de Marie-Christine ; ce que nous savons bien, c’est que, de la part de Narvaez et de ses journaux, la répugnance contre le mariage de la reine Isabelle avec le prince des Asturies n’était pas alors et aujourd’hui même, nous le voulons croire, n’est pas, le moins du monde affectée. À cette époque précisément, quelques-uns des publicistes influens qui rédigent ces journaux se trouvaient à Paris, et par eux-mêmes nous avons entendu parfaitement déduire les raisons péremptoires qui devaient empêcher toute transaction avec la famille du prétendant. Assurément, si jamais le fils du prince que l’on a sept ans combattu en Navarre s’assied sur le trône à côté de la reine Isabelle, ce n’est point se montrer pessimiste que de prédire de nouveaux périls à l’immense majorité des membres du parti modéré. Il y a trois mois, c’est notre conviction, on n’eût pas songé à leur demander un vote en vertu duquel le gouvernement pourra marier la reine sans même les consulter.

Le projet de réforme que le ministère a présenté aux cortès sera tout entier combattu par une fraction considérable du parti modéré, à la tête de laquelle se sont placés déjà MM. Isturiz, Pacheco, Olivan, Concha, etc., que secondera la parole puissante de M. Alcalà-Galiano, si le premier orateur de l’Espagne consent à venir occuper son siége aux nouvelles cortès. Tous les articles de ce projet ne seront pas défendus avec la même fermeté par le cabinet Martinez de la Rosa ; il en est deux pourtant, s’il en faut croire des informations qui ne nous ont jamais trompés, qu’à toute force il imposera aux chambres, et ce sont précisément ceux qui, dans le pays et au sein même du parti conservateur soulèvent les plus grandes répugnances : l’article par lequel le gouvernement pourrait marier la reine sans prendre l’avis des cortès, et celui qui, chargeant l’état d’une façon vague et générale de subvenir aux besoins du clergé, pourrait l’enhardir à réintégrer le clergé dans la possession de ses biens à vendre ou déjà vendus, sinon même à lui conférer des privilèges spéciaux incompatibles avec les mœurs et les idées de ce temps. Nous constatons toutes les craintes, même celles qui nous paraissent le plus exagérées. Nous sommes loin, on le voit, des déclarations de Barcelone ; ici commence pour le ministère une phase absolument nouvelle : c’est M. Martinez de la Rosa, — nous ne voulons parler que de personnages portant la responsabilité de leurs actes, — qui l’a déterminée par son retour à Madrid. Dès le lendemain de son arrivée, M. Martinez de la Rosa s’est mis en devoir de surmonter les hésitations de Narvaez et les résistances de MM. Mon