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où le sang coule, celui-ci le rugissement du lion ou du tigre, celui-là le cri lugubre de l’orfraie, tel autre le cri strident de l’aigle ou du chacal. Pour ce jour-là d’ailleurs, chacun prend le nom de la bête féroce ou de l’oiseau de proie dont il s’attache à imiter les cruels instincts. Pour peu que dure l’horrible fête, les uns et les autres en viennent à un tel état de furie qu’ils finissent par se déchirer eux-mêmes et par s’entre-tuer.

Les cérémonies du culte sont peu compliquées, bien qu’aux diverses phases de la journée les sectateurs du Koran soient tenus d’interrompre leurs occupations, leurs affaires, pour réciter des prières ou remplir certains devoirs religieux. Ce qui leur rend la pratique de la religion moins incommode qu’on ne le pense communément en Europe, c’est que leurs obligations se peuvent accomplir en quelque lieu qu’ils se trouvent, dans leurs maisons, dans les rues de la ville, sur les places et jusque dans les bains publics. Tout musulman est tenu de se mettre en prières au lever du soleil, au milieu du jour, à trois ou quatre heures de l’après-midi ; à sept heures du soir en hiver, à neuf heures en été. A chacune de ces heures, un Maure, — c’est presque toujours un vieillard ou un enfant, — donne le signal en chantant des hymnes sur la tour principale de la grande mosquée, au haut de laquelle il hisse une bannière blanche. L’instant d’après, le même signal est répété sur toutes les tours des mosquées inférieures ; pendant une minute environ, on ne voit par-dessus les noires maisons des villes que des vieillards en enfans entonnant des hymnes ou agitant des drapeaux blancs. Comme le christianisme et le judaïsme, l’islam a sa fête hebdomadaire, qui se célèbre le vendredi. Ce jour- là, les prières redoublent ; entré midi et une heure il se prononce, dans toutes les mosquées, de véritables homélies que chaque musulman est tenu d’aller entendre avec sa famille ou sa tribu. Le travail manuel n’est jamais interdit au Maroc, pas plus le vendredi que durant les autres fêtes de l’année ; riches et pauvres pourtant consacrent la journée, entière du vendredi à se reposez et à se réjouir, depuis les premiers coups de canon qui, au lever du soleil, annoncent que la fête commence, jusqu’à la salve d’artillerie qui, le soir également, avertit que la solennité a pris fin.

Toutes les fois qu’il se propose d’entrer dans une mosquée, toutes les fois qu’il vient d’accomplir un acte nécessaire à la vie, si insignifiant d’ailleurs qu’il puisse être, le musulman du Maroc est tenu de se purifier par une ablution. Selon que l’acte est plus ou moins important, l’ablution est plus ou moins longue ; si, faute d’eau, elle ne peut se faire, ou bien encore dans les cas de maladie où elle serait infailliblement nuisible à la santé du corps, la loi permet d’y suppléer en se frictionnant les mains et le front, avec un peu de terre ou une pierre que le cadi, en sa qualité de prêtre, a eu soin de bénir. Indépendamment des fêtes hebdomadaires, les Marocains ont dans l’année quatre solennités plus ou moins longues, trois pâques, et le fameux ramadan. Le ramadan est un jeûne de trente jours, pendant lesquels on ne peut prendre ni opium ni tabac. Aux premières heures du jour, une salve d’artillerie avertit les croyans que le jeûne commence ; aussitôt vingt trompettes