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Même inertie dans les autres états, à Naples, en Piémont, malgré les proscriptions qui pesaient sur les révolutionnaires et malgré l’insulte de l’occupation militaire de l’Autriche : une fois l’insurrection dispersée, le pays était resté calme. Quelle était donc la puissance invisible qui contenait cette Italie si agitée dans les dernières années de l’empire ? Ce n’était pas la puissance des princes italiens, tous également menacés, également incapables de se maintenir ; ce n’était pas la force de l’aristocratie italienne, qui avait perdu son influence ; ce n’était pas l’église, dont le prestige avait disparu ; ce n’était pas non plus la force matérielle de l’armée autrichienne, qui ne surpassait pas le chiffre de quatre-vingt mille hommes : c’était la pensée du congrès de Vienne, représentée par l’Autriche, qui résistait également à la révolution et à la contre-révolution. La cour de Vienne avait compris à merveille qu’il fallait éviter les troubles à tout prix et qu’une seule émeute dans une ville lombarde compromettrait son autorité aux yeux des princes et des peuples de l’Italie. Elle se plaça entre l’aristocratie et les révolutionnaires, empêchant toutes les violences, prévenant tous les excès. Loin de relever les privilèges de la noblesse lombardo-vénitienne, elle les sacrifia, en admettant dans le code civil tous les résultats de la révolution. Le clergé italien penchait vers l’ultra-catholicisme ; l’Autriche le contint avec fermeté. En toute conquête, le principal danger pour le vainqueur est dans l’insolence des fonctionnaires et de l’armée d’occupation. Or l’armée autrichienne, composée de serfs et courbée sous une brutale discipline, est assurément la première milice du monde en temps de paix, et jamais elle n’a provoqué les populations. Quant aux fonctionnaires, le rôle de tout employé autrichien est si limité, si humble, il y a tant d’appels dans l’administration et dans les tribunaux, que, malgré le secret des procédures judiciaires, malgré l’absence de toute publicité, la bureaucratie autrichienne, soumise à cette chambre aulique qui a fait son apprentissage en combattant la féodalité de l’empire germanique, est certes la plus sûre garantie de bonne administration que puisse offrir un gouvernement absolu. L’Autriche avait ainsi identifié sa cause avec tous les intérêts de la paix, et en même temps qu’elle imposait aux nobles le respect des faits accomplis, elle prévenait de nouvelles tentatives libérales en proscrivant les principes de la révolution. Les deux élémens de trouble, les prétentions aristocratiques, les doctrines des libéraux, étaient ainsi également combattus. La libre concurrence était interdite dans l’armée, dans l’administration ; toutes les municipalités étaient asservies au point que pas une commune dans le royaume lombardo-vénitien