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La révolution de la Romagne a modifié par contre-coup la situation de tous les partis italiens. Une scission s’est manifestée dans le parti royaliste. Pendant la restauration, il était aveuglément soumis à l’Autriche : l’occupation d’Ancône a rendu difficiles ces franches interventions de 1821, créé un nouveau centre révolutionnaire en Italie, ouvert une sorte de procès à la papauté devant l’Europe. Ce ne sont là, pour l’Autriche, que des embarras diplomatiques, compensés par la chance d’une nouvelle conquête ou par un accroissement d’influence sur le saint-siège. Cependant, à mesure que le désordre des États Romains a promis de nouveaux avantages à cour de Vienne, tous les princes Italiens se sont rapprochés de la cour de Rome : que deviendraient-ils, si l’Autriche possédait une troisième province dans les quatre Légations ? Par un mouvement analogue, tandis que les sanfédistes, sous la restauration hostiles à l’empereur, adoptaient en 1831 les couleurs de l’Autriche, toutes les sociétés catholiques de la Haute-Italie s’opposaient fortement à l’influence autrichienne : que deviendraient-elles, si l’Autriche était toute puissante dans les États Romains ? Aussi Modène, Parme, Naples, le Piémont, même la Toscane, sont de plus en plus entrés dans le système guelfe. En 1839, le cabinet de Vienne proposait pour la troisième fois de légaliser son protectorat par une confédération austro-italienne, et, comme en 1819 et en 1825, il échouait, surtout par la résistance de la cour guelfe de Turin. Les princes ont prodigué les faveurs au parti guelfe dans le but d’opposer la dévotion à la révolution, de remplacer les baïonnettes absentes par un renfort de jésuites ; on voudrait se passer de l’Autriche et invoquer la ressource nationale de l’ultra-catholicisme. En cas de malheur, l’appui de l’Autriche reste d’ailleurs assuré car la cour de Vienne est intéressée, condamnée même à secourir ses alliés pour éviter la révolution dans ses provinces. Quel besoin a-t-on de se ménager son intervention par une condescendance gênante ? Les faveurs, accordées au parti guelfe et ultra-catholique ont porté leurs fruits, En Piémont, le correspond, par l’entremise de plusieurs évêques, avec le chef de la police de Turin, et le tient au courant de l’état des consciences. Pendant la restauration, l’hostilité du parti guelfe contre l’Autriche était occulte et gouvernementale ; aujourd’hui, elle est ouverte et nationale. Le système autrichien se trouve ainsi affaibli par la résistance religieuse, par le foyer révolutionnaire de la Romagne, par l’atteinte diplomatique de l’occupation d’Ancône, par l’effet de la double révolution de la Grèce et de l’Espagne, tandis que l’opposition qu’il rencontre dans les provinces slaves diminue sa force militaire et détruit lentement la fidélité de son armée.