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du parti libéral. L’opinion trahit ses inquiétudes par une vague attente d’évènemens imprévus ; on s’aperçoit que dans la péninsule rien n’est assis. Dès 1831, la fièvre révolutionnaire avait gagné toute l’Italie supérieure, et aujourd’hui encore on ne saurait jouer ni Guillaume Tell à Milan, ni la Norma à Palerme, ni la Vestale à Rome, sans que le public y découvre des allusions sanglantes pour les cours absolutistes. Si on représente, à Turin le Philippe Visconti, on y voit un hommage à l’ancienne indépendance de la Lombardie ; Si Manzoni écrit les Fiancés, on y cherche à tout prix la satire de la cour de Vienne ; si M. Aman donné l’histoire des Vêpres siciliennes, il est contraint de se réfugier en France, car son travail de simple érudit acquiert en Sicile le sens d’un pamphlet incendiaire. La lutte des deux partis a divisé jusqu’aux villes italiennes. La révolution a établi ses foyers à Gênes, impatiente de secouer le joug du Piémont ; à Alexandrie, le centre des insurgés de 1821 et de 1832 ; à Brescia, gagnée au carbonarisme en 1821 ; à Bologne, la première à l’attaque en 1796 et en 1831 ; dans les Calabres, toujours prêtes à l’émeute ; à Palerme, admirable dans l’élan de 1821. On peut considérer comme les centres de la contre-révolution Turin, le siége du gouvernement piémontais ; Naples, la ville des lazzaroni, tous royalistes ; Messine, heureuse de ses privilèges et hostile à Palerme ; Vérone, qui insultait en 1821 les prisonniers du Spielberg ; Lugo, la cité de la ligue théocratico-antinapoléonienne ; Faenza, le centre du sanfédisme ; Rome enfin, la ville des papes. On le voit, l’Italie est livrée à des causes d’agitations toujours renaissantes. En présence d’une telle situation, ce n’est point la violence qui peut affermir les gouvernemens de la péninsule : l’intelligence des besoins des populations, une sollicitude active pour leur bien-être, donneraient à ces gouvernemens une force qu’ils ont trop négligée. Pour être justes, nous devons reconnaître que le cabinet de Naples est entré, depuis quelques années, dans une voie d’amélioration matérielles et de sages réformes administratives.

Assurément, si l’on considère l’Italie au point vue diplomatique, on n’y trouvera qu’une seule question, celle de la Romagne. Le gouvernement pontifical a donné son adhésion au mémorandum et l’a violé sur tous les points, de l’aveu même de l’ambassadeur anglais. Grégoire XVI n’a accordé aucune liberté, aucune garantie, aucun soulagement, et il a épuisé toutes les ressources de la théocratie. Il avait promis à la diplomatie de déraciner la révolution par les réformes, et il la contient par les fusillades ; il avait promis une ère nouvelle à ses sujets, et il les pousse à la guerre civile. Le gouvernement pontifical,