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et de cruels revers, mais labeur qui fait la gloire de l’homme, dût-il n’avoir pas épuisé pour l’avenir des disgraces et ses fautes. C’est ce travail que méconnaît entièrement M. de Bonald. Les faits nouveaux qui ont été la conséquence de ce mouvement de l’esprit humain sont à ses yeux que crimes et folies. Il triomphe des écarts et des erreurs dans lesquels sont tombées des nations libres comme l’Angleterre et la France pour condamner les principes qui les ont inspirées. Cependant tout ce qui émeut si fort la bile de M. de Bonald n’est pas moins partie intégrante de l’histoire que les vieilles Institutions qu’il idolâtre. C’est le devoir de l’écrivain politique de juger avec fermeté les effets de l’intervention de l’esprit philosophique dans les affaires humaines. Si son intelligence a toute la hauteur et toute l’intégrité nécessaires, il tiendra compte des difficultés du début, il fera la part de l’inexpérience inséparable de la première explosion des théories, il marquera les causes des succès et des naufrages, afin que l’avenir profite de la leçon, afin que ceux qui viendront après nous puissent, dans les voies, qu’ils trouveront tracées, s’amender et s’affermir.

Tel n’était pas le but de. M. de Bonald. Il voulait en 1796 persuader à la France que la philosophie conduit infailliblement à l’athéisme, comme le gouvernement philosophique, c’est-à-dire la division et l’équilibre des pouvoirs, ou le gouvernement représentatif, aboutit nécessairement à l’anarchie. A l’entendre, la France, si elle voulait échapper à une ruine irréparable, devait rejeter violemment les principes nouveaux pour retourner au culte de la monarchie pure. L’inflexible écrivain n’admet pas de tempérament ; en dehors de la monarchie, il ne reconnaît pas de société politiqué vraiment, constituée, pas plus qu’à ses yeux il n’y a de religion, là où l’église catholique ne domine pas. Les idées principales qui conduisent M. de Bonald à de telles conséquences sont fort simples. Dieu et l’homme, les esprits et les corps, sont les êtres sociaux, élémens de toute société. Dieu est volonté, amour et force ; l’homme, comme Dieu, est intelligence et volonté, amour, force ou puissance. Il y a société entre Dieu et l’homme : leurs rapports constituent les lois fondamentales, qui sont une religion publique, un pouvoir unique, des distinctions sociales permanentes. Sous ces formules générales, nous retrouvons le catholicisme, la monarchie et la noblesse. M. de Bonald définit la société civile la réunion de la société politique et de la société religieuse. La société politique vraiment constituée ou la monarchie est conforme aux vues de la religion, qui ne se sert du pouvoir que dans l’intérêt le plus général,