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pas ; mais il faut aussi que le législateur, qui ordonne, et l’administration, qui exécute, tiennent compte des conditions attachées à l’exercice de chaque industrie. Telle manufacture admet des restrictions que telle autre ne comporte pas, et, dans certains cas, huit heures de travail fatiguent plus l’ouvrier qu’une journée de douze heures.

À cette variété des arts industriels, qui est infinie à Paris, vient s’ajouter la division des capitaux, et, par conséquent, celle de la production. Les ateliers se multiplient, mais ils se fractionnent ; par leurs dimensions autant que par leur nombre, ils semblent défier le contrôle des pouvoirs publics. Partout où la fabrication agglomère les ouvriers, la discipline, qui s’introduit nécessairement parmi ces masses enrégimentées, facilite au plus haut degré la surveillance. Le moteur mécanique, eau ou vapeur, est en outre un moyen d’ordre puissant. En réglant l’action des machines, on agit indirectement sur les ouvriers qui les desservent ; car la vapeur, intervenant dans le travail de l’homme, a les mêmes effets que la mesure dans le chant.

Mais que peuvent les règlemens et quelle prise a l’inspection de l’autorité sur ces myriades de petits ateliers qui pullulent à tous les étages, au milieu des quartiers les plus populeux, perchés dans les mansardes ou se cachant dans les caves, composés de deux ou trois ouvriers et d’un nombre égal d’apprentis, où le travail tantôt se relâche complètement et tantôt se tend à l’excès, fait de la nuit le jour, et ne garde ni mesure ni régularité ? Pour que le travailleur, ouvrier ou fabricant, conçoive et observe volontairement les prescriptions légales, il faut d’abord qu’il ait appris à se respecter lui-même et à mettre de l’ordre dans sa vie. Les individus sont comme les nations, qui ont besoin d’une préparation assez longue pour s’élever à l’intelligence des nécessités sur lesquelles repose le gouvernement.

Les difficultés inhérentes à l’organisation de l’industrie dans la capitale seraient encore très sensibles en présence d’une loi bien faite ; elles paraîtront à peu près insurmontables avec les dispositions imprévoyantes et équivoques qui régissent le travail des enfans dans les manufactures et dans les grands ateliers. La loi du 22 mars 1841, exécutoire six mois après sa promulgation, est en vigueur depuis plus de trois ans ; on peut la juger sur cette épreuve. Examinons les résultats qu’elle a produits.

Toute l’économie de la mesure peut se ramener à quelques points principaux, qui sont : l’âge de l’admission dans les manufactures, la