Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/714

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

évident que si M. d’Israeli a jamais pu être l’organe naturel d’une génération nouvelle, c’est au moment de ses débuts littéraires, moment vieux à cette heure de dix-sept années, magnum oevi spatium ! Je ne crois pas qu’il puisse arriver à des esprits élevés et généreux de ne passer qu’avec indifférence ou dédain devant les tentatives de jeunes gens distingués par l’intelligence et par le caractère. Dans les premiers essors de la jeunesse, dans cette fraîcheur de sentimens et d’idées, dans cette sainte candeur d’enthousiasme, dans cette adorable promptitude à s’éprendre de tout ce qu’un rayon de beauté illumine, dans cette magnifique témérité qui sur tous les champs de bataille jette son bâton de commandement au point le plus difficile de l’action il y a quelque chose dont la vue doit faire battre encore les cœurs mêmes où le regret a déjà remplacé l’espérance et où ne retentissent plus que les plaintifs échos du souvenir. C’est ce je ne sais quoi, qui est tout simplement la jeunesse, que je cherche et qui m’intéresse dans la jeune Angleterre : cette franche verdeur, difficile à retrouver en effet chez ceux qui sont jeunes depuis plus de dix-sept ans, je n’ai pu la rencontrer dans M. d’Israeli et voilà pourquoi je me suis refusé à prendre Coningsby pour la véritable jeune Angleterre, voilà pourquoi je n’ai voulu voir dans Coningsby que le chaperon de la new generation : chaperon aimable, il est vrai, mais qui trahissait bien sa maturité mondaine au jeu de sa cravache satirique et à la dextérité savante avec laquelle il butinait le scandale pour semer la médisance.

La jeunesse est de bon aloi au contraire dans les poésies de lord John Manners et dans les caprices historiques de M. Smythe Le plus âgé des deux nobles écrivains n’a pas vingt-huit ans. Entrés ensemble, il y a trois ans, à la chambre des communes, c’est bien eux qui ont eu l’honneur de marquer dans la sphère politique l’adhésion de la jeunesse aux tendances qui sont aujourd’hui indiquées sous la désignation de jeune Angleterre. Ils appartiennent tous deux à l’aristocratie. M. George-Sydney Smythe est le fils aîné du vicomte de Strangford ; lord John Manners est un des fils du duc de Rutland. Unis par une de ces étroites amitiés que l’on ne peut former qu’au début de la vie, ayant lié leurs carrières et entrelacé pour ainsi dire leurs opinions, ils ont fait des prémisses de leurs plumes un mutuel échange qui nous défend de les séparer ici : l’England’s Trust est dédié à M. Smythe ; les Historic Fancies sont dédiés à lord John Manners.

Le volume de lord John Manners a devancé de trois années celui que M. Smythe vient de publier. Sa date est ici, un titre de présence.