Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/810

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

générale est d’un centième environ de sa base : la partie supérieure de ce talus n’est atteinte par le flot que dans les grandes marées de la nouvelle et de la pleine lune ; elle a dans ces intervalles le temps de se sécher aux rayons du soleil, et alors les vents se jouent de sa surface mouvante : ceux de l’ouest poussent le sable sur les terres ; ceux de l’est le rendent à la mer, et s’il y avait équilibre entre ces deux forces, l’état du rivage éprouverait peu de changemens : malheureusement il n’en est pas ainsi ; les vents du large règnent dans ces parages les deux tiers au moins de l’année et sont beaucoup plus forts que ceux de terre la mer montante remplace continuellement le sable dont ils dépouillent l’estran et ce travail obstiné, repris sans cesse, accumule ces montagnes de sable qu’on appelle des dunes. Le sommet de celle-ci n’en est pas la partie qui donne le moins de prise aux vents ; dans les temps secs, ils font voler à la surface de la dune des sables qui se déposent sur son revers intérieur, à l’abri qu’elle forme elle-même. Cette progression constitue ce qu’on appelle la marche des dunes ; le vent les fait, en effet, marcher devant lui, comme une ligne de bataille, à la conquête des terres cultivées. Celles du golfe de Gascogne s’avancent de 20 mètres par an, sauf les parties fixées, sur un front de 240 kilomètres ; elles envahissent par conséquent, chaque année, près de 500 hectares, et si les procédés employés pour les arrêter étaient abandonnés, on pourrait calculer à quelle époque les territoires les plus précieux des départemens de la Gironde et des Landes seraient ensevelis sous le sable.

Si c’était ici le lieu de faire un traité de la fixation des dunes, je prendrais les mémoires et les manuscrits de Brémontier, qui, aidé par M. de Néville, intendant de Guyenne, commença cette grande entreprise en 1788 sur les bords du bassin d’Arcachon ; j’en extrairais l’histoire des prodiges de constance par lesquels ont été vaincues les premières difficultés ; je montrerais les procédés se simplifiant, gagnant en efficacité en même temps qu’en économie, et pour cela je n’aurais qu’à prier M. Goury de me laisser copier les curieuses notes qu’il a rédigées, comme ingénieur en chef des Landes, sur les travaux de ses prédécesseurs et sur les siens propres. Il suffit ici de constater que partout où ces procédés sont mis en pratique, les sables sont maîtrisés et n’avancent plus. On fixe les dunes en les boisant. Le début et la plus grande difficulté de l’entreprise sont d’imposer au sable un repos qui permette aux plantes d’y prendre pied ; la nature a donné aux dunes de Gascogne le gourbet (arundo arenaria), qui remplit promptement cette