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départemens du Pas-de-Calais, de la Somme et du Nord sont un des pays de l’Europe les plus riches en tourbières ; la plupart de leurs basses vallées sont des dépôts inépuisables de combustible végétal, et si celui-ci devenait propre à la navigation à vapeur, le port de Calais en particulier acquerrait, par la nature du sol qui l’environne, une importance égale à celle des ports de la Tyne et de la Wear. La recherche des moyens de condensation de la tourbe est donc une des plus dignes d’occuper les esprits réfléchis ; elle ferait sortir de notre sol une masse de richesse et de puissance qui nous rapprocherait de cet équilibre que l’éloignement du combustible ne nous permet guère aujourd’hui d’ambitionner.

L’ouverture des chemins de fer de Lille à Calais et d’Amiens à Boulogne fortifiera notre navigation de plusieurs manières ; elle fera refluer sur ces deux villes les capitaux de la Flandre et de Paris ; elle y naturalisera la construction des machines. Ce ne sera pas infructueusement, qu’elles seront placées à quelques heures de ce foyer d’intelligence et d’activité que le grand Frédéric appelait la Mecque du monde civilisé. La navigation à vapeur, d’un autre côté, ne pouvait pas alimenter à elle seule les ateliers de construction de machines, dont le voisinage est la condition de son existence ; mais quand ceux des chemins de fer seront établis, elle en complétera la clientelle, et nous n’aurons sans doute plus sous les yeux le spectacle affligeant de ports français dont notre pavillon semble exclu.

Pour résumer ce qui précède, il est permis de réclamer, comme un complément de l’ouverture des chemins de fer du Nord indispensable à notre marine, l’achèvement des ports de Calais et de Boulogne. Des projets sont rédigés par des ingénieurs qui ont fait leurs preuves sur ces mêmes lieux ; la jonction à opérer entre les lignes de fer et les bassins à flot apporte dans ces études quelques données nouvelles et implique certaines modifications ; mais elle ajoute en même temps à la nécessité d’entreprendre et à l’utilité des travaux.

Il n’est pas moins nécessaire d’étendre la protection des fortifications aux bassins de Calais et aux jetées de Boulogne. Le bateau à vapeur, qui devient aujourd’hui, dans les mers rétrécies, le grand instrument de la guerre et du commerce, facilite des attaques soudaines contre lesquelles il faut se prémunir : le nouveau matériel naval étant d’ailleurs très-supérieur en valeur à l’ancien, il importe d’autant plus de lui ménager des lieux de refuge devant des forces supérieures et la sécurité qui lui sera garantie pour les temps de guerre est une des conditions auxquelles il se formera pendant la paix.