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Parny se montrait très-opposé, et presque aussi vivement qu’aurait pu l’être un critique de profession, au goût nouveau qui tendait à s’introduire et dont les essais en vers n’avaient rien jusque-là, il est vrai, de bien séduisant. On peut douter qu’il se fût jamais converti, même en voyant des preuves meilleures. Il est au contraire très aisé de soupçonner ce qu’il aurait pensé des tentatives et des élancemens mystiques de la lyre nouvelle, et on croit, d’ici l’entendre répéter et appliquer assez à propos à plus d’un poète monarchique et religieux de 1824, à certains de nos beaux rêveurs langoureux et prophètes (s’il’ avait pu les voir), qui, en ce temps-là mêlaient beaucoup de psaume à l’élégie et tranchaient du séraphin :

Cher Saint-Esprit, vous avez de l’esprit,
Mais cet esprit souvent touche à l’emphase :
C’est un esprit qui court après la phrase,
Qui veut trop dire, et presque rien ne dit.
Vous n’avez pas un psaume raisonnable.
L’esprit qui pense et juge sainement,
Qui parle peu, mais toujours clairement
Et sans enflure, est l’esprit véritable.


C’est assez dire, d’ailleurs combien il n’eût rien entendu, selon toute probabilité ; aux mérites sérieux, aux qualités d’élévation et de haute harmonie qui sont l’honneur de cette lyre moderne. Parny était demeuré, à bien des égards, le premier élève de Voltaire ; il est vrai qu’on doit vite ajouter, pour le définir, qu’il a été le plus racinien entre les voltairiens.

Dans l’habitude de la vie, surtout vers la fin, il restait assez volontiers silencieux, et pouvait paraître mélancolique, ou même quelquefois sévère. La maladie qui le retint, qui le cloua chez lui à partir de 1810, et dont l’un des graves symptômes était une enflure progressive des jambes, dut contribuer à cette altération de son humeur. Avant ce temps, il était de belle taille, mince, élégant ; il eut toujours l’air