Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/909

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pour ronger chaque jour toutes ces paperasses ?

Il n’est plus qu’un objet et qu’une occasion
Qui puissent, au roman faire diversion :
C’est lorsque l’on apprend par la rumeur publique
Qu’un malheureux époux est mort de la colique,
Que la justice informe et qu’on aura bientôt
Des débats scandaleux et tels qu’il nous les faut.
Tout s’émeut, tout s’apprête, et le lecteur avide
Dresse à l’instant l’oreille et déjà mâche à vide.
C’est encore un plaisir littéraire et moral,
Et l’empoisonnement est du goût général.
Comme on avait bien soin, lors du procès Lacoste,
Que les moindres détails nous parvinssent en poste !
Pour qu’on n’en perdît rien, les journaux à la fois
Enflaient tous leurs clairons et tous leurs porte-voix.
Ils répétaient en chœur les paroles précises
Dites par les témoins devant la cour d’assises,
Et la manne attendue arrivait tous les jours
Pour donner la becquée à d’affamés vautours.
Or donc, qu’une luronne avance son veuvage
À l’aide d’une poudre ou de quelque breuvage,
La voilà sur-le-champ le but de tous les yeux.
Le tribunal s’emplit de flots de curieux ;
La salle est un parterre où chacun, homme et femme,
Vient chercher à l’envi l’émotion du drame ;
On s’y presse, on s’y bat ; tous veulent assister
À la pièce de sang qu’on va représenter.
Et, durant le débat, le public se régale
Des secrets qu’a livrés l’alcôve conjugale.
Puis viennent la chimie et l’exhumation,
Pour tâcher d’établir l’intoxication ;
Mais comment, sans horreur, traiter cette matière,
Peindre ces corps dissous qu’on prend à la cuillère,
Ces jarres où l’on met les chairs que profana
L’arsenic, la morphine ou l’aqua-tophana,
Ces muscles, ces lambeaux, toutes ces pourritures,
Ces débris empotés comme des confitures !
Oh ! dame ! c’est encor plus odoriférant