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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 novembre 1844.


La situation du ministère, loin de s’éclaircir, se rembrunit de plus en plus. Il a reçu depuis quelques jours des nouvelles de Taïti, qu’il n’a pas osé publier. On lui annonce la restauration de la reine Pomaré ; on lui apprend que cet acte s’est accompli au milieu de démonstrations inquiétantes. Comme on devait s’y attendre, les Français ont été consternés, et les missionnaires anglais ont montré une joie insultante. Les dépêches qui contenaient les ordres de notre gouvernement ont été apportées par un bâtiment anglais. Cette circonstance aurait augmenté l’humiliation et le découragement de nos marins. Au départ des nouvelles, une grande fermentation régnait dans l’île ; on craignait des complications graves.

Ainsi commence à se faire sentir en France le contre-coup des concessions de notre gouvernement dans les affaires de Taïti. Nous ne sommes pas au bout. On nous parle aujourd’hui de la restauration de la reine Pomaré ; on nous parlera demain de l’effet qu’aura produit sur M. Dupetit-Thouars la nouvelle de son désaveu. Nous apprendrons plus tard les suites du blâme infligé à M. d’Aubigny et le paiement de l’indemnité que recevra M. Pritchard pour avoir fait verser le sang de nos soldats. Enfin, à dater d’aujourd’hui, nous pouvons craindre chaque jour une catastrophe. Attaqués par des insulaires féroces, décimés par les maladies et par une guerre sanglante, nos marins, que le bras de la France abandonne, pourront-ils soutenir longtemps une position si périlleuse ? Les autorités françaises de Taïti, placées sous la menace perpétuelle d’un désaveu, et réduites à n’avoir plus entre les mains, que l’arme impuissante du protectorat, pourront-elles vaincre toutes les difficultés qui les entourent ? Dieu le veuille ! Nous désirons sincèrement que les embarras du ministère ne se compliquent pas. Dans une question si grave, ce ne sont pas des intérêts de parti qui sont en présence, ce sont des citoyens qu’un même sentiment réunit, et qui ne forment qu’un vœu, celui de voir la Providence épargner de nouvelles douleurs à leur patrie.