Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/950

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

témoigné au gouvernement ses naissantes sympathies. Le parti absolutiste espérait que, par la réforme, il obtiendrait tôt ou tard l’hérédité du sénat, et par conséquent la reconstitution des majorats, le mariage du Prince des Asturies avec la reine Isabelle, la restitution des biens du clergé ; et, en vérité, après avoir obtenu tout cela, peu lui aurait importé que don Carlos eût ou non repassé les Pyrénées : qu’a-t-on à faire des personnes quand les principes ont triomphé ? Or, immédiatement après que se sont ouvertes les discussions, il n’est pas une seule de ces espérances qui n’ait été complètement déçue ; à la tribune, les ministres ont déclaré unanimement qu’ils repoussaient tout projet de mariage entre la reine et le prince des Asturies ; dans la commission de réforme, on a demandé qu’un amendement bien clair et bien formel prononçât de nouveau l’exclusion de don Carlos et de sa famille. Quand on a rejeté au congrès l’amendement par lequel on voulait établir l’hérédité de la pairie, on a reculé surtout devant la nécessité que l’hérédité eût imposée aux législateurs de restaurer d’odieux privilèges, les droits d’aînesse et les majorats. Enfin, quand il a été question au congrès du clergé et des besoins du culte catholique, on a pu voir jusqu’au dernier degré d’évidence que la restitution des biens du clergé déjà vendus, — ceux qui restent à vendre ne méritent point d’entrer en ligne de compte, était une chose radicalement impossible. Ces biens ont été en grande partie achetés par des membres du parti modéré ; ce n’est pas seulement l’intérêt politique, mais l’intérêt personnel, de ces membres, qui les empêchera de s’en dessaisir. En résumé, le parti absolutiste a subi des mécomptes qui ont porté son irritation à l’extrême ; on a pu s’en apercevoir par le discours de M. Tejada qui, à la tribune du congrès, a osé développer les plus purs principes de l’ancienne monarchie. On s’en apercevra bien mieux encore au sénat, où ce parti prépare en ce moment une rude opposition à ce malheureux projet de réforme, qu’il a d’abord si chaudement défendu. Au sénat, les absolutistes seront soutenus, dit-on, par M. le marquis de Miraflorès et par les grands d’Espagne ; les grands d’Espagne s’indignent que le congrès leur ait dénié le droit de siéger à la chambre haute par le seul fait de leur naissance. En dehors du sénat, les, absolutistes seront appuyés, on l’affirme du moins, par une certaine influence qui aurait voulu et voudrait encore qu’un mariage rapprochât les deux principales branches de la maison royale. On affirme en outre qu’en des lieux fort élevés où cette influence domine on s’est vivement alarmé des mécontentemens qu’ont inspirés aux rois absolus de l’Europe les paroles de M. Martinez de la Rosa, niant qu’on songeât à unir la reine Isabelle au jeune prince des Asturies. Si les prétentions des absolutistes échouent au sénat, — et, selon nous, il faut bien qu’ils s’y attendent, — chercheront-ils à les faire triompher en dehors des voies légales et parlementaires ? Rallumeront-ils la guerre civile, pour parler sans le moindre détour ? Il est certain que, depuis la pacification de Bergara, jamais les carlistes n’ont éprouvé une irritation aussi grande ; il est certain que jamais ils n’ont eu entre les mains des moyens d’action plus nombreux ni plus puissans