Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/979

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’église, dont la construction vous semblait d’abord ne dériver que du principe de l’ogive, se trouve en réalité contenir au moins autant d’arcs à plein cintre que d’arcs aigus.

Ce n’est pas tout : en descendant dans les détails, vous trouvez certaines dispositions du plan qui semblent n’appartenir qu’aux constructions de l’époque romane ; ainsi, par exemple, les arcades de la grande nef reposent alternativement sur un pilier carré, flanqué de colonnes engagées et sur une colonne cylindrique complètement isolée. Cet emploi alternatif de deux genres de supports différens se rencontre fréquemment dans les monumens à plein cintre ; il disparaît complètement dès qu’on entre dans l’époque à ogive proprement dite. Il en est de même de ces anneaux saillans dont sont coupés, de distance en distance, les faisceaux de longues colonnettes qui séparent les dernières travées du chœur et la première de la nef : ce mode de décoration ne se rencontre plus, dès que le style vertical a pris son complet développement. Enfin, dans quel édifice purement à ogive trouvons-nous ces transsepts terminés en hémicycles ? N’est-ce pas dans les constructions romanes, dans celles-là surtout qui sont empreintes du caractère byzantin, qu’il faut chercher des exemples de cette belle disposition ?

Ainsi de tous côtés, dans cette cathédrale de Noyon, on retrouve la trace de traditions, antérieures à l’époque où elle semble avoir été construite. Elle a beau porter le cachet du style à ogive, les souvenirs du style à plein cintre l’enveloppent et la dominent.

Plus on regarde de près, plus le problème se complique. Dans la plupart des monumens que nous a laisses l’époque de transition, on voit la construction se modifier, se transformer pour ainsi dire couche par couche : le monument change d’aspect à mesure qu’il s’élève, à mesure que le temps a marché. Ce sont d’abord de larges piliers ou d’épaisses colonnes supportant de lourds arceaux ; puis au-dessus commence un système plus léger, qui enfin se termine en ogives. Ici, au contraire, l’ogive apparaît près du sol, et c’est le plein cintre qui couronne, l’édifice. Le mélange des deux élémens s’est donc opéré d’un seul jet : ils semblent avoir été confondus ou plutôt mariés avec intention. On dirait une sorte d’accord et comme une transaction pacifique entre deux principes rivaux.

De telles exceptions peuvent-elles être l’effet du hasard ? Évidemment non ; elles ont une apparence trop régulière et trop systématique pour n’être que des accidens. Quelles sont donc les causes qui les expliquent ? C’est à l’histoire qu’il faut les demander.