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Toutefois, aucun de ces incendies du XVIe siècle ne dut altérer la solidité de l’édifice. Beaucoup de pierres furent calcinées, elles portent même encore aujourd’hui la trace du feu ; mais l’ensemble de la construction ne fut pas compromis.

Les seuls incendies qui, par leur violence et par leur durée, doivent avoir mis en péril le monument, et peuvent avoir rendu sa reconstruction nécessaire, sont ceux de 1131 et de 1293. Les témoignages sont nombreux, précis, et unanimes : ce ne sont pas des feux partiels, éteints presque aussitôt qu’allumés, dont les dégâts aient donné lieu à quelques réparations de détail ; ce sont des incendies de la ville entière, de ces incendies auxquels rien ne résiste, et qui ne s’éteignent que faute d’alimens, lorsqu’ils ne trouvent plus rien debout sur leur passage.

Nous nous figurons difficilement de tels désastres, aujourd’hui que le jeu régulier des pompes et les mille moyens de secours dont une ville dispose triomphent, presque à coup sûr, des feux les plus violens ; mais, dans ces petites cités du moyen-âge, aux rues étroites, aux maisons de bois si souvent recouvertes de planches ou de paille, la moindre étincelle avait, en quelques heures, embrasé tout un quartier, et le foyer devenait si ardent, que les murailles même les plus épaisses ne pouvaient résister à l’action des flammes. De nos jours, il est presque sans exemple qu’une église s’écroule par l’effet d’un incendie ; la charpente du comble prend feu, les murs résistent presque toujours. Ainsi, nous avons vu la toiture de la cathédrale de Chartres incendiée, et le monument est resté debout ; mais, si la ville tout entière eût été en feu, et si les secours, au lieu d’être distribués avec habileté et prévoyance, n’avaient consisté qu’en efforts désordonnés et confus, les pierres n’auraient pas tardé à se fendre, à se détacher, et l’édifice n’eût été bientôt qu’un monceau de ruines.

Il existait d’ailleurs, au temps de nos pères, certains usages qui rendaient les églises bien plus exposées qu’aujourd’hui au danger du feu : les murailles étaient, en grande partie, recouvertes de tapisseries, d’étoffes, de tentures de toute espèce : de nombreux ex-voto étaient suspendus aux voûtes ; en un mot, les églises étaient alors aussi meublées qu’elles sont nues aujourd’hui. D’un autre côté, le nombre des cierges toujours allumés, même pendant la nuit, était considérable, ainsi que l’attestent ces innombrables testamens dans lesquels il est pourvu par le mourant à l’entretien d’un cierge brûlant à perpétuité dans telle ou telle chapelle. Est-il donc étonnant que les clercs qui faisaient la garde s’endormissent quelquefois, et que souvent