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particulière, son président ou gouverneur, avec un congrès et un président à Mexico, qui s’occupassent des affaires extérieures et de toutes les mesures d’intérêt général. Ce système est celui qui est le plus applicable à la nature du pays ; il a l’avantage de concentrer le pouvoir dans les limites où doit s’exercer son influence ; il le circonscrit de manière à ce que son action puisse se porter facilement du centre à la circonférence, tandis que le centralisme, associant des élémens divers, des intérêts contraires, ne peut rendre que des lois générales pour tout le pays, et par cela même nuisibles pour certaines provinces, tandis qu’elles sont pour les autres d’une médiocre utilité. En outre, l’autorité du gouvernement central, ayant à traverser d’immenses déserts pour arriver aux extrémités, diminue de force à mesure que la distance augmente, et de la sorte ce que l’on appelle centralisme n’est au contraire que la décentralisation et la faiblesse. C’est le gouvernement d’une multitude de petits tyrans appelés généraux ou préfets ; c’est, si l’on peut parler ainsi, une fédération d’autocrates.

Le parti libéral est le seul qui lutte franchement contre les préjugés nationaux, le seul qui comprenne les véritables besoins du pays. Il sent que ce qui manque surtout au Mexique, c’est la population : il voudrait, à l’exemple des États-Unis, appeler des colons étrangers à la culture du sol ; mais comme, pour en venir là, il faudrait poser en principe la liberté de conscience, supprimer les privilèges, mettre la main sur les biens du clergé, et soumettre la grande propriété à des lois plus favorables à la colonisation que les lois actuelles, il a naturellement des ennemis acharnés dans les deux autres partis. D’ailleurs, il partage lui-même l’éloignement qu’ont les peuples de race espagnole pour les étrangers. On pourrait craindre qu’après avoir appelé les colons au Mexique par des lois libérales, il ne détruisît l’effet de ces lois par une foule de mesures vexatoires. Pour le maintenir dans la voie du progrès, il faudrait l’influence et les conseils d’une nation amie et en même temps redoutée. Ce parti a sur les deux autres l’avantage du nombre ; s’il était aussi riche en capitaux qu’il l’est en hommes, s’il comptait dans ses rangs des généraux capables d’entraîner les troupes à leur suite, il y a long-temps qu’il gouvernerait le Mexique. Malheureusement pour les fédéralistes, toutes les révolutions s’accomplissent par les agioteurs, les prêtres et les militaires, et les uns comme les autres ne remettront jamais le pouvoir aux mains de gens qui n’en useraient tout d’abord que pour les dépouiller. Le fédéralisme avait autrefois dans l’armée un représentant digne de lui ; le général Mejia, homme d’une probité à toute épreuve, d’un caractère franc, loyal, énergique, et d’une valeur brillante, s’en était déclaré le chef. Santa-Anna, l’ennemi de toutes les gloires nationales, se débarrassa de Mejia en le faisant fusiller à Acajete. Depuis cette époque, le seul général qui ait osé professer hautement ces doctrines est Urrea ; mais ce chef n’exerce aucun prestige, et il serait difficile de décider s’il obéit, en défendant le fédéralisme, à des convictions sérieuses ou à l’impulsion de son intérêt.