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c’est surtout par la puissance du décret du 17 mars 1808. Cependant, tout en considérant ce décret comme un des principaux titres de l’université, nous n’avons pas pour ce grand acte une adoration superstitieuse qui nous en fasse considérer toutes les dispositions comme une panacée infaillible. Les 144 articles dont se compose le décret du 17 mars 1808 sont-ils tous applicables aux mœurs, aux besoins de notre époque ? Ce décret ne règle pas seulement les attributions réciproques du grand-maître et du conseil, il établit une vaste hiérarchie qu’il veut faire respecter minutieusement. Les premiers articles du décret concentrent exclusivement l’enseignement publie entre les mains de l’université ; ils refusent, ils nient d’une manière absolue la liberté qu’on réclame aujourd’hui. N’entrons pas dans un détail qui serait infini ; disons seulement que si la législation impériale est, pour l’université, une immortelle origine, un fondement solide, on ne saurait l’ériger en une charte immuable, envers laquelle tout esprit d’amendement et de critique serait un crime.

Dans son culte pour la législation napoléonienne, M. de Salvandy ne s’est pas aperçu qu’il ne tenait pas assez compte d’un passé moins éclatant que l’époque impériale, et pourtant respectable. Est-il bien prudent d’abroger d’un trait de plume toutes les dispositions et ordonnances contraires à l’ordonnance du 7 décembre et au décret organique ? Nous n’élevons pas ici une question de légalité, mais une question toute politique ; nous ne contestons pas qu’on ne puisse, par une ordonnance, abroger d’autres ordonnances, et revenir à l’exécution d’un décret impérial à laquelle la jurisprudence a donné force de loi. C’est la convenance politique qui nous préoccupe surtout. Nous n’aimons pas ces abrogations générales et dangereuses par lesquelles le gouvernement semble incriminer lui-même son passé. Si les ordonnances qui faisaient le titre légal du conseil royal qui administre l’université depuis vingt-cinq ans sont mises au néant, que faudra-t-il penser de la validité de ses actes ? Ceux qui n’ont pas aperçu le danger de provoquer de pareilles questions peuvent être avertis depuis quelques jours par la satisfaction avec laquelle les adversaires systématiques de l’université ont accueilli la nouvelle ordonnance, joie suspecte qui ne saurait manquer d’éclairer M. de Salvandy sur la valeur de certains éloges. Un ministre conservateur a-t-il beaucoup à s’applaudir de voir un projet de réforme accueilli et célébré comme un premier acte de démolition ?

L’opposition constitutionnelle avait montré, il en faut convenir, plus de circonspection et de prudence. Il y a deux ans, elle a eu la majorité au sein de la commission chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’instruction secondaire ; elle ne s’en est pas servie pour mettre témérairement en question l’existence du conseil royal. Nous croyons au contraire qu’après un assez long débat entre M. de Salvandy et M. Saint-Marc Girardin, la majorité a exprimé l’intention expresse de ne pas agiter intempestivement une semblable question, désirant que le temps consacrât de plus en plus une institution qui représentait le pouvoir éclairé de l’état. Dans quelques jours, le ministère se