Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/1078

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la Porte joue avec les deux légations quand celles-ci ne sont pas d’accord, comme elle joue avec les chrétiens et les Druses, et il serait temps que l’Europe chrétienne ne se prêtât plus à une mystification qui amène de si désastreux résultats.

Le droit de visite touche-t-il définitivement à sa fin ? Le Moniteur publie la déclaration en vertu de laquelle dans trois mois, à partir du 6 décembre, commencera l’exécution de la convention signée le 29 mai 1845 entre la France et l’Angleterre pour la suppression de la traite. À cette époque, c’est-à-dire le 6 mars 1846, les mandats donnés aux croiseurs des deux pays pour l’exercice du droit de visite devront être respectivement restitués. En ce moment même, deux escadres, composées chacune de vingt-six bâtimens, sortent des ports de France et d’Angleterre pour se diriger vers la côte occidentale d’Afrique. La surveillance des deux escadres s’étendra sur douze cents lieues de côte environ. À la répression de la traite viennent se joindre des intérêts que la présence de notre pavillon doit favoriser. Le gouvernement vient de conclure des traités de commerce avec trente-sept chefs indigènes qui se sont engagés en même temps à ne plus tolérer la vente des noirs.

Jamais le ministère de la marine n’a eu plus d’occasions de déployer son activité, car le cabinet prétend mener de front une expédition sur Madagascar avec le blocus de Buénos-Ayres. Dans un mois, l’escadre que nous envoyons dans la mer des Indes sortira de Toulon ; le commandement de l’expédition est confié au général Duvivier, qui, avant ses campagnes en Afrique, a servi plusieurs années dans nos colonies. Nous allons faire sur la côte de Madagascar une apparition vive et rapide ; nous allons tirer vengeance des Hovas. Le ministère n’a pas la pensée de pousser ses conquêtes dans l’intérieur de l’île, mais il espère, par une démonstration énergique, relever nos établissemens et rendre à notre commerce la sécurité dont il a besoin. À Buénos-Ayres, nos opérations ne sortiront pas des limites d’un blocus. Le ministère déclare ne pas faire de la chute de Rosas la condition nécessaire du rétablissement du bon accord avec la république argentine que Rosas respecte véritablement l’indépendance de la république de l’Uruguay, qu’il ne cherche plus à l’absorber dans sa dictature, et nous nous tiendrons pour satisfaits. Comment songer à une guerre continentale, à une guerre sur le sol argentin ? Ce serait se condamner à des dépenses sans fin et probablement sans résultats. Cette conduite est sage ; mais, pour qu’elle soit tout-à-fait habile, il faut que le ministère poursuive l’exécution du blocus avec une vigueur, avec une persévérance qui arrache enfin à Rosas et aux populations argentines les transactions que nous croyons juste de leur imposer.


À la Bourse, les émotions n’ont pas manqué dans cette dernière quinzaine. La destitution de M. Baudon, receveur-général de la Seine-Inférieure, a