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Firmin, ses commencemens furent modestes ; mais tout y était disposé pour recevoir, s’il y avait lieu, des développemens qui entraient dans les vues du fondateur, et qui s’accordaient avec les projets de la société. La colonie est située dans le canton de Breteuil, département de l’Oise, sur la ligne du chemin de fer du Nord. Elle est placée, partie sur la commune du Mesnil-Saint-Firmin, partie sur la commune de Rouvrey, au lieu nommé Merles. La colonie se compose, en ce moment, de quatre-vingt-huit enfans, un directeur et douze contremaîtres, qui accomplissent tous les travaux d’exploitation sans aucun secours étranger.

Les enfans sont admis depuis l’âge de cinq ans jusqu’à seize ans. Par un accord fait avec les commissions administratives, ils doivent rester à la colonie jusqu’à leur majorité. On prélève sur le prix de leur travail une somme qui leur sera comptée à cette époque ; mais avant ce moment, si on trouve à les placer d’une manière sûre et qui leur soit avantageuse, on le fait avec empressement, en stipulant pour eux les conditions les plus favorables. Ils sont élevés à peu près comme le seraient les enfans des métayers de nos campagnes. Tous, jusqu’au plus jeune, se servent eux-mêmes. Chaque division, qui est de vingt-cinq élèves, a un chef et un sous-chef. Le chef de la division est élu par ses campai’des, et il choisit le sous-chef. La faible portion d’autorité qu’exercent ces jeunes élèves et les légers privilèges dont elle est accompagnée excitent et développent chez les enfans une utile émulation.

Tous les jeunes colons travaillent aux champs, et, suivant leurs forces et leur âge, ils labourent et tracent des sillons, font la moisson, battent en grange, ou gardent les troupeaux ; tous enfin sont employés à quelque tâche agricole, et, quand les travaux champêtres sont forcément interrompus, principalement l’hiver, les enfans s’adonnent aux travaux industriels dans les nombreux ateliers de la colonie. On essaie leurs aptitudes diverses, sans les éloigner un seul instant de la ligne qui leur est tracée, puisque toutes les industries ou tous les métiers qu’on leur enseigne se rattachent directement à l’agriculture, et s’exercent mieux aux champs qu’à la ville. Des soins paternels sont donnés aux jeunes colons, comme nous avons pu nous en assurer plusieurs fois.

C’était beaucoup, sans doute, de préparer l’avenir de ces enfans en leur enseignant un état, mais il restait encore à les moraliser. Les façonner à la discipline était peu de chose ; il fallait la leur faire aimer, remplir leur cœur d’une mutuelle bienveillance, remplacer par les liens d’une fraternité de choix ces douces affections de la famille dont ils avaient été déshérités sans les avoir goûtées. Pour tout cela, il fallait un homme plein de cœur, et cet homme, on l’a trouvé.

M. l’abbé Caulle, curé du Mesnil-Saint-Firmin, vivait modestement et paisiblement dans sa cure, lorsque la colonie fut fondée. Dès qu’il en entendit parler, il éprouva le désir de se consacrer à l’éducation de ces pauvres enfans. Il conçut tout ce qu’on pouvait faire pour ces innocentes créatures ; il renonça à une vie douce et tranquille pour embrasser avec joie de pénibles la-