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les fonctionnaires qui l’obtiennent doivent s’acquitter des obligations dont elle est le prix. On ne peut leur demander de sacrifier leur fortune personnelle, mais ils seraient blâmables d’employer à l’accroître un revenu qui est donné à la fonction plus qu’au fonctionnaire. Nos représentans à l’étranger ne méritent pas ordinairement ce reproche, qu’on a adressé aux ministres anglais, mieux rétribués que les nôtres[1]. Outre les fonctionnaires que nous avons désignés, il en est à qui leur titre commande certains devoirs en vue desquels leur traitement a été élevé : nous voulons parler des chefs de la magistrature et du clergé, et des préfets. A proprement parler, ils ne sont pas tenus de représenter, car la plus modeste représentation surpasserait tellement le traitement du plus grand nombre, qu’il y aurait injustice à leur en imposer les charges ; la limite de leurs obligations est tracée par celles du salaire que l’état leur donne. Nous doutons qu’on ait sagement fait de retirer à quelques-uns de ces fonctionnaires le moyen de représenter réellement. La dépense que la représentation entraîne n’est point stérilet elle a ses compensations quelques personnes refusent de les reconnaître : nous ne partageons pas leur avis. A l’étranger, n’importe-t-il pas au développement des rapports que nos agens doivent entretenir, à leur influence dans le monde politique, qu’ils puissent marcher de pair avec les ministres des autres puissances, avec les personnages principaux des lieux où ils exercent leurs fonctions ? L’honneur de parler au nom de la France est brillant sans doute, mais il ne perd rien à être accompagné de l’éclat qui révèle une nation puissante et riche. S’il est vrai que de grandes négociations ont été suivies avec succès par des hommes que n’entourait aucun luxe, ces souvenirs ne sont pas applicables aux temps ordinaires, et, pour un jour de crise où la fermeté du caractère et la supériorité de l’esprit joueront un rôle décisif, combien d’époques de calme où l’on s’observe, où l’on étudie les hommes et

  1. « Je pense qu’un ambassadeur d’Angleterre à la cour impériale, qui reçoit 11,000 livres sterling (275,000 francs), n’a pas le droit de vivre comme un simple particulier, oubliant ainsi le souverain qu’il est chargé de représenter pour ne consulter que ses propres aises. Une habitude blâmable que sordide s’est introduite parmi ces messieurs : c’est celle de faire des économies, afin de pouvoir augmenter ainsi leur fortune particulière pour le jour où ils seront rappelés de leur poste. Tandis qu’aux ambassades de France, de Russie et de Prusse même, ce sont des fêtes nombreuses et brillantes, les nôtres ne s’ouvrent jamais, ou, si une exception rare à cette règle a lieu, ce n’est qu’en faveur de quelques bals, aussi remarquables par la sordide mesquinerie qui y règne que par la rareté du fait. » (Voyage du marquis de Londonderry en Allemagne.)