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de nouveau la loi des céréales, et devant cette simple déclaration tombèrent les espérances des uns et les inquiétudes des autres. Quelques conversations sans importance sur la Chine, sur les émirs du Scinde, sur l’Espagne, remplacèrent donc le grand débat auquel on s’attendait, et dès ce moment il fut facile de juger qu’on s’était un peu trop hâté de tuer sir Robert Peel et de se partager ses dépouilles. Est-ce à dire que toutes les difficultés se fussent aplanies, que tous les dissentimens eussent disparu, et que sir Robert Peel pût reprendre purement et simplement la position forte et sûre de 1842 ? Pas le moins du monde, et, pour s’en convaincre, il suffit de suivre dans leurs phases diverses les questions qui pesaient sur lui depuis un an. Ces questions peuvent se réduire à trois principales : celle de l’agitation irlandaise, celle des querelles religieuses dans les trois royaumes, celle des mécontentemens intérieurs du parti tory. Ce sont ces trois questions que je vais aborder successivement.

C’est le 15 février, peu de jours après l’ouverture du parlement, que fut rendu à Dublin le verdict par lequel O’Connell et ses amis étaient déclarés coupables sur plusieurs chefs d’accusation. Ce verdict était trop prévu pour produire, même en Irlande, une bien grande sensation. A force de prêcher à ses compatriotes l’ordre et le calme ; à force de leur dire que, s’ils restaient paisibles six mois seulement, le rappel était assuré ; à force de leur répéter que l’indépendance et la liberté de l’Irlande lui paraîtraient trop chèrement acquises au prix de la vie d’un homme, le grand agitateur avait d’ailleurs réussi ; plus qu’il ne le désirait peut-être, à étouffer d’avance, à énerver toute grande manifestation nationale. Ajoutez que, selon la forme anglaise, le jugement final ne devait être prononcé que deux mois après, au mois d’avril, et que d’ici là on comptait encore sur l’habileté d’O’Connell. Ainsi les douze jurés protestans avaient condamné le catholique, et l’Irlande restait paisible malgré sa douleur, malgré son indignation. La question dès-lors cessait d’être judiciaire pour redevenir politique, et l’opposition avait non-seulement le droit, mais le devoir, de porter devant les chambres toute la conduite du gouvernement. L’opposition n’y manqua pas, et le même jour lord John Russell aux communes, lord Normanby aux lords, proposèrent à la chambre de se former en comité pour examiner l’état de l’Irlande. Ainsi qu’on devait s’y attendre la chambre des lords en eut bientôt fini, et, après une courte démonstration la motion de lord Normanby fut rejetée par 175 voix contre 78. Il en fut autrement aux communes, où le débat dura du 13 février au 23, pendant neuf longues séances, et donna à tous les